Les autorités séculières
C'est à elles que revient le glissement de fait d'un antijudaïsme d'ordre théologique ou théorique à une exclusion de fait des Juifs de nombreux secteurs de l'économie. Dans les villes, les Juifs sont exclus de la plupart des corps de métier. Or, jusqu'au milieu du XIXe siècle, il est obligatoire d'en faire partie pour exercer un métier. L'argument le plus récurrent est l'âpreté au gain (Gewinnsucht) des Juifs, et la crainte qu'ils n'ôtent la « subsistance » (Nahrung) de la bouche des habitants par leur pratiques usurières. On s'efforce donc régulièrement de restreindre l'intervention des marchands juifs et de les tenir à l'écart des marchés urbains. Les Juifs se spécialisent alors dans le petit commerce d'une part, et dans le prêt à intérêt d'autre part. Ils jouent un rôle crucial d'intermédiaires entre villes et campagnes et participent à fluidifier le marché à travers le crédit. Mais on leur reproche de manière récurrente – souvent lors des crises – de renchérir les coûts intermédiaires et d'accumuler un profit indu aux dépens des producteurs et des consommateurs. Comme on va le voir, ces conceptions ne font pourtant jamais l'unanimité.
Nous allons maintenant confronter ces systèmes normatifs, élaborés par les autorités, à la réalité des pratiques sociales locales. Pour ce faire, nous allons examiner deux exemples. Dans le premier cas, on peut observer comment fonctionne une révolte populaire dirigée contre les Juifs de la ville de Francfort, accusés d'usure par les habitants. Dans le second, au contraire, on verra les populations locales d'une ville de Thuringe écrire des suppliques aux autorités pour exiger que soit maintenu le droit de commercer avec les Juifs. |