L'économie politique
Le monde des économistes s'est également penché sur la figure du Juif usurier et sur le commerce des Juifs, aux XVIIe –XVIIIe siècles. Selon l'historien Jonathan Karp, le commerce juif a eu une fonction essentielle dans la pensée occidentale : il a servi de catalyseur pour les inquiétudes liées au commerce :
Il a servi à abstraire différents types d'activités de la vie économique générale et, en les associant aux Juifs stigmatisés, à en faire le support d'expression pour des inquiétudes qui étaient très fréquemment éprouvées vis-à-vis du commerce, d'une manière politiquement sûre et psychiquement tolérable.
L'économie politique est, elle aussi, ambivalente et profondément liée aux évolutions des conceptions de l'argent et du commerce. Certains auteurs favorables au libre-échange vont arrimer leur défense des « Juifs » à une défense des intermédiaires commerciaux dans la lignée de la physiocratie[1] ou du pré-libéralisme. C'est le cas de Johann Albrecht Philippi[2] qui publie en 1765 un traité intitulé Défense du Juif aux grains (Der vertheidigte Korn-Jude), dans lequel il prône la liberté du commerce et défend le rôle bénéfique des intermédiaires, et leur droit à l'enrichissement. Le grand économiste Heinrich Gottlob von Justi[3] dans son ouvrage de science camérale[4] adopte, lui, une position nuancée, affirmant que le penchant des Juifs pour la tromperie et l'usure provient en fait d'un mauvais gouvernement – dans une pensée caractéristique du XVIIIe siècle, où bon et mauvais gouvernements sont responsables des vices et vertus des gouvernés. Là encore, on peut souligner l'ambivalence d'un propos qui commence par céder au préjugé du Juif vicieux, malin et âpre au gain, pour ensuite le désamorcer.