Introduction
Si l'historiographie du judaïsme a longtemps travaillé la question de l'émancipation du point de vue des hommes, elle s'est attachée, depuis une vingtaine d'années, à réévaluer ses conséquences selon un angle féminin. Or, les bouleversements induits par l'émancipation sont au moins aussi importants pour ces dernières. La religion juive traditionnelle est surtout une affaire d'hommes ; de nombreux commandements ne s'appliquent pas aux femmes dont celui de l'étude de la Torah. L'essentiel du rôle féminin consiste en la procréation et l'entretien d'un cadre propice au respect, par l'homme, des mitzvot[1] .
Au XIXe siècle, l'émancipation juridique précipite, pour la plupart des communautés juives européennes, une volonté d'intégration sociale. Dans certains cas, l'assimilation préalable des communautés juives constitue même un argument en faveur de l'accession à la citoyenneté. Or, l'embourgeoisement du judaïsme européen renverse les perspectives. Les femmes juives souvent au contact du monde environnant dans le judaïsme traditionnel se retrouvent désormais confinées au foyer. Quant aux hommes, autrefois attachés à l'étude de la Torah, il leur revient désormais de subvenir aux besoins de la famille. Cependant, malgré cette inversion, la religion reste toujours entre les mains des hommes. Dès lors, comment les femmes juives réagissent-elles à cette double relégation ? Que revendiquent-elles concernant la religion ? Quelle part nouvelle prennent-elles à l'élaboration et à l'entretien d'un judaïsme tout à la fois religion, communauté et culture ?