Vers l'accès des femmes à la religion
En dépit de certaines velléités affichées précocement, les femmes juives ne réussissent pas, au XIXe siècle, à franchir les barrières élevées par la tradition entre elles et la religion juive bien qu'elles en soient désormais symboliquement les dépositaires. La crise des années 1880-1914 aboutit cependant à une meilleure formation des jeunes filles à la religion pour lutter contre l'assimilation. Un peu partout se créent des Haderim[1] féminins et si souvent l'enseignement y est moins poussé que pour les garçons, cela n'en reste pas moins un progrès. Après la guerre, les revendications, souvent portées par les associations de femmes juives plutôt portées à l'origine vers la philanthropie, se font de plus en plus insistantes. En 1920, la West London Synagogue autorise les femmes à diriger l'office.
Le mouvement des sœurs de la Réforme, venu des États-Unis fait des émules en Europe. Après avoir milité pour une meilleure éducation des femmes, ses membres prônent désormais dans l'Entre-deux-guerres la représentation des femmes au sein des différentes instances communautaires. Les premières femmes intègrent aux États-Unis et en Allemagne des séminaires ou collèges rabbiniques et commencent à pétitionner pour obtenir l'ordination, mais les instances rechignent. Leur principal argument : une majorité de fidèles des synagogues réformées sont désormais des femmes. En 1928 Lily Montagu[2] , militante active, depuis un quart de siècle, de la cause des femmes au sein du judaïsme anglais réformé prononce un discours resté célèbre devant la conférence de l'Union mondiale pour un judaïsme libéral : « les femmes doivent descendre de leur galerie ».
En 1935, son vœu semble se réaliser : une femme Régina Jonas est ordonnée rabbin en Allemagne. Née au début du siècle, rapidement orpheline de père, Régina Jonas s'inscrit en 1924 à la Hochschule fuer die Wissenschaft des Judentums, l'Institut supérieur d'Études Juives ou Académie des Sciences du Judaïsme, où elle suit un séminaire destiné aux rabbins et aux éducateurs. Elle obtient la certification « Enseignante académique de religion ». Elle s'inscrit ensuite en thèse et soutient un mémoire intitulé « Une femme peut-elle être rabbin selon les sources halakhiques ? » Son directeur de recherche refuse cependant de lui accorder l'ordination. Regina Jonas essuie en 1933 un second refus auprès de Leo Baeck[3] , figure de proue du judaïsme allemand, qui la soutient mais refuse de l'ordonner pour ne pas attiser les divisions au sein du judaïsme allemand entre libéraux et orthodoxes. Elle est finalement ordonnée en 1935 par le rabbin libéral Max Dienemann[4] à Offenbach. Cependant malgré son ordination et de nombreux soutiens, Regina Jonas ne trouvera jamais de communauté acceptant de l'accueillir. Elle meurt à Auschwitz en 1944. Deux décennies plus tard aux États-Unis, c'est l'inverse qui se produit. Entre 1950 et 1953, une femme, Paula Ackerman[5] , dirige une communauté sans avoir pour autant reçu la semikhah[6] . C'est en 1972 seulement que la boucle est bouclée avec Sally Priesand[7] . L'Europe suit timidement. En France la première femme rabbin se nomme Pauline Bebe[8] . Elle est ordonnée en 1990.
Pour conclure, revenons à la bénédiction matinale. Qu'est-elle devenue au début du XXIe siècle ? Dans le judaïsme orthodoxe, elle est intégralement conservée. Les apologistes orthodoxes insistent sur deux points : la différente nature des sexes et le malheur de ne pas avoir à respecter tous les commandements divins. Le mouvement massorti s'est largement ouvert aux femmes. En revanche, il refuse de voir disparaître les 3 bénédictions négatives même s'il souhaite voir glisser leur formulation pour mieux en refléter le sens, à leurs yeux, original. Le livre de prière des massorti propose donc la bénédiction suivante : .... « Qui m'a fait-e selon Ton image ». Quant aux libéraux, ils ont généralement banni les bénédictions négatives.