Le darwinisme au regard de la revue des Jésuites, Al-Mashrîq - Diana Jeha

Introduction

Les principaux conflits et les formes d'accommodement liés aux théories de Charles Darwin[1] en France et au Royaume-Uni ont été présentés dans le chapitre précédent. Le père Alexandre Torrend leur donne un écho en écrivant que Darwin admet Dieu comme créateur et déclare son adhésion à l'immortalité de l'âme. Preuve en est, poursuite le Jésuite, la question qu'il soulève sur la possibilité que l'homme primitif ait pensé à l'existence divine : « Il est évident, dit-il, que celui qui envisage le progrès biologique humain de l'état animal va se demander comment nous concilions ce point de vue avec l'immortalité de l'âme. Mais quelle est la nécessité pour nous de savoir à quel moment de sa vie l'âme devient immortelle, et si cela se fait avant ou après la naissance ». Pour Torrend, l'homme ne peut pas déterminer le temps de l'évolution de l'espèce, d'une strate à une autre. Il en déduit qu'il existe dans la vie des individus de nombreux phénomènes dont les mystères sont difficiles à percer et que l'esprit ne peut pas évaluer leur rapport à l'effet de la force aveugle première. Il en conclut que le « Créateur » a son rôle dans les différentes étapes de la vie de l'homme, et que c'est le « Tout-Puissant » qui donne l'immortalité à l'âme humaine, même si personne ne sait à quelle époque de sa vie l'enfant reçoit l' « âme immortelle ». Il en conclut que Darwin, vers la fin de sa vie, confirme sa croyance en l'existence de Dieu et en l'immortalité de l'âme et qu'il ne tend point à la doctrine des matérialistes. S'il déploie son opinion sur la transformation et sur l'avancement des espèces, il se contente de dire que l'homme tire son origine du genre des singes. Suit une présentation des réponses aux principales objections des « darwinistes » qui paraissent essentiellement perçus au travers d'une lecture orientée des ouvrages d'Ernest Haeckel[2].

  1. Charles Darwin

    (1809-1882) : né dans une famille héritière d'une double tradition, savante et industrielle, Darwin étudie pour un temps la médecine, à l'Université d'Edimbourg, avant de se tourner vers les humanités (« Arts ») à Cambridge. Embarqué sur le Beagle un navire royal, pour un voyage autour du monde (1831-1836), il se forme « sur le terrain » en multipliant les observations et les collectes naturaliste et poursuit ses lectures scientifiques dans la bibliothèque du vaisseau. A son retour, il publie ses premiers travaux scientifiques et engage dès 1837 des réflexions sur la « transmutation » des espèces. Après une longue phase de maturation, il publie en 1859 L'Origine des espèces au moyen de la sélection naturelle. L'ouvrage est rapidement traduit, dans de nombreuses langues. La théorie présentée impose progressivement l'évolutionnisme dans les milieux scientifiques, bien que le mécanisme proposé par Darwin, la sélection naturelle, fasse débat. L'ouvrage lance également de vives controverses dans la société civile.

  2. Ernest Haeckel

    (1834-1919) : Zoologiste allemand, élève de J. Müller, qui, après avoir étudié la médecine et les sciences naturelles à Berlin, Würzburg et Vienne (thèse de doctorat en médecine en 1857), est attiré par l'anatomie et l'embryologie comparées. Nommé en 1861 professeur d'anatomie à Iéna, Haeckel voyage l'année suivante en Sicile et publie en 1862 une monographie sur les Radiolaria que suivront plus tard, après ses voyages en Égypte, en Afrique du Nord et à Ceylan, des travaux sur les Siphonophora (1869), les Monera (1870), les éponges calcaires (1872), etc. De ces travaux, il tire la théorie de la gastraea, étape intermédiaire entre les protozoaires (unicellulaires) et les métazoaires (multicellulaires). Il est le principal diffuseur/vulgarisateur des théories évolutionnistes « darwiniennes » en Allemagne et en Europe, avec notamment son Natürlichen Schöpfungsgeschichte (Histoire naturelle de la création, 1868) et Anthropogenie, 1874. Il est aussi le promoteur d'une philosophie moniste, qui peut être assimilée par certains au matérialisme.

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