Féminisme islamique émergeant au Maroc
L'émergence d'un féminisme islamique est récente au Maroc, il date des années 2 000. Ce courant s'active à côté d'un féminisme historique de gauche qui lui accorde de l'attention. Il se caractérise par le primat de la référence religieuse en tant qu'instance de légitimation de revendications féministes en repoussant le primat du référentiel des « droits de l'Homme » des féministes arabes universalistes. Il est porteur de deux revendications principales : le droit à une relecture féministe des textes scripturaires considérés, dans une approche apologétique, comme fondamentalement égalitaires, notamment par la mise en exergue des figures féminines glorifiées par le Coran et des femmes compagnes du prophète de l'islam ; la dénonciation des interprétations patriarcales qui vont à l'encontre d'un islam égalitaire. Les objectifs des féministes islamiques consistent à investir la sphère religieuse, aux niveaux institutionnel et de la production théologique, et de déconstruire tant les stéréotypes dévalorisants liés à l'image des femmes musulmanes que les discours patriarcaux véhiculés par les fondamentalistes islamistes.
Au niveau du champ religieux, la présence du féminisme islamique dans les institutions religieuses entraîne un changement des rapports de genre, particulièrement au niveau de la production d'un savoir religieux dans une perspective féministe qui fait également l'objet d'une diffusion via l'outil Web. En revendiquant une égalité des sexes, ce féminisme islamique a pour effet de déloger des représentations patriarcales qui sous-tendent les discours et écrits de l'islam « orthodoxe » dominant tout en participant au phénomène de réislamisation qui touche, depuis une trentaine d'années, l'ensemble des sociétés musulmanes. Ses promotrices, en agissant prioritairement dans le domaine discursif religieux, sont conscientes qu'en usant de la même instance de légitimité que les hommes, elles jouissent d'un pouvoir « sacralisé ».
Le féminisme historique universaliste marocain séculier a entraîné de réelles réformes au niveau notamment du code de la famille et, par ailleurs, l'émergence du féminisme islamique provoque un bouleversement en faveur de l'égalité des sexes au sein d'une sphère religieuse, qui a été une chasse gardée des hommes pendant des siècles. Les féministes universalistes critiquent les féministes islamiques en affirmant que leur projet consiste à mettre en exergue des versets coraniques et des hadiths à portée égalitaire en ignorant la présence de ceux qui entérinent un rapport hiérarchique des sexes pour un projet de société fondé sur une vision patriarcale. Les féministes islamiques critiquent les féministes universalistes qui, selon elles, se réfèrent davantage à un féminisme « occidental » tout en revendiquant un projet de société fondé sur une égalité des sexes « islamique ».
Dans le contexte de ce qui a été appelé le « Printemps arabe », les féministes universalistes ont créé le collectif « Printemps féministe pour l'égalité et la démocratie », regroupant une vingtaine d'associations et réclamant l'inscription de l'égalité des sexes dans la nouvelle constitution. Celle-ci a été adoptée en juillet 2011 et l'article 19 se présente comme suit : « L'homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres disposition de la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Royaume [...]. »