Introduction
Au cours du XXe siècle, la condition sociale des femmes occidentales a beaucoup évolué. Divers mouvements féministes, pour l'égalité des droits dans un premier temps, pour l'émancipation par la maîtrise de la reproduction et l'affranchissement des rôles traditionnels dans un second temps, se combinent aux progrès de la médecine (notamment en matière de contraception et de limitation de la mortalité des femmes en couches et des nourrissons), clé d'un meilleur accès au travail salarié, pour aboutir à de profonds changements tant dans les mœurs qu'au niveau des législations occidentales, qui actent désormais l'égalité des hommes et des femmes. Dans ce contexte, le système de valeurs androcentrique, qui était reflété par la théologie catholique, perd grandement sa plausibilité.
Le Magistère catholique entreprend alors d'élaborer une anthropologie théologique dont « la Femme » est l'objet spécifique. Il s'agit d'une réflexion déductive, qui s'appuie sur une exégèse traditionnelle de la Genèse (Gn 1 et 2), tout en se gardant de certaines interprétations pauliniennes jugées trop misogynes. Cette anthropologie est développée particulièrement par Jean-Paul II[1] . Elle affirme l'égalité fondamentale de l'homme et de la femme « en dignité », particule indispensable qui permet de construire une anthropologie de la complémentarité des sexes, où les femmes héritent d'une vocation spécifique, de vierge ou d'épouse et de mère. L'institution de cette différence sexuelle est restrictive, au sens où elle impose aux femmes un modèle d'identité unique, déduit de ses rôles traditionnels.
Mais la pensée catholique est loin d'être monolithique. En face de cette théologie autorisée de « la Femme » apparaissent, au cours de la seconde moitié du XXe siècle, des théologies féministes, avec l'objectif explicite de refonder la place des femmes dans le christianisme. La nécessité de cet objectif n'est pas seulement ressentie à propos de la difficulté à se faire une place dans les structures de pouvoir des institutions, mais aussi devant le constat que font ces théologiennes d'un rapport au sacré construit au nom de la seule expérience masculine, d'une histoire où l'apport et l'expérience des femmes sont subordonnés à la vision d'un Magistère masculin. L'enjeu est celui d'une prise de pouvoir sur un terrain moins bien défendu que l'accès concret au sacerdoce : l'accès à l'interprétation des écritures.
Par « études féministes », on entend celles qui adoptent comme point de départ le postulat que, dans le domaine des sciences religieuses comme dans d'autres, le savoir traditionnel, dans son contenu et sa méthode, est pour le moins incomplet sinon toujours structurellement biaisé du fait que ce sont les institutions à dominante masculine qui lui ont donné forme et l'ont transmis.