L'évolution historique du mariage des prêtres
Durant les trois premiers siècles de l'Église, aucune loi, ni en Orient ni en Occident, n'interdisait le mariage des prêtres, ni ne demandait aux prêtres mariés de s'abstenir de relations conjugales. Le célibat sacerdotal était une question de choix pour les évêques, les prêtres et les diacres. Puis il y eut des évolutions différentes suivant les régions de l'Empire romain.
Dans l'Empire romain d'Occident, les rédacteurs du canon 33 du concile d'Elvire[1] tenu en Espagne (vers 305) décrètent l'abstinence sexuelle des évêques, des prêtres et des diacres. En 1123, le premier concile du Latran[2] interdit le mariage des prêtres . Les canons du deuxième concile du Latran[3] (1139) défendent d'entendre les messes des prêtres mariés, déclarent invalide le mariage des clercs et ordonnent qu'on mette en pénitence ceux qui les auront contractés. Le concile de Trente[4] (1545-1563) réaffirme le célibat des prêtres et la supériorité de la virginité sur le mariage. Cette dernière mesure ferme le débat sur le sujet du mariage des prêtres dans l'Eglise latine. En son sein, les membres du clergé n'ont pas le droit de se marier et, d'une façon plus large, d'avoir des relations conjugales.
Dans l'Empire romain d'Orient, qui devient l'Empire byzantin, une discipline différente est en vigueur. Les Églises d'Orient connaissent, certes, la promotion de l'abstinence sexuelle pour les membres du clergé. Mais une ligne de séparation apparaît avec l'Église d'Occident lors du concile in Trullo[5] tenu à Constantinople en 691. Les pères de ce concile confirment, contre les coutumes qui s'imposent peu à peu en Occident, l'existence d'un clergé marié et acceptent officiellement l'ordination sacerdotale d'hommes mariés. Par contre, les candidats au sacerdoce ne peuvent pas se marier après l'ordination. Un prêtre marié peut prendre tout type de charges. Il ne peut cependant pas s'élever à l'épiscopat. Seuls les moines ou les prêtres célibataires peuvent devenir évêques. Par ailleurs, les prêtres des Églises orientales, orthodoxes ou catholiques, ne peuvent pas se remarier s'ils deviennent veufs.
Cette discipline est encore celle qui prévaux dans la plupart des Églises orthodoxes et des Églises catholiques orientales (de rite byzantin, syriaque et maronite par exemple), au Liban en particulier, mais aussi en Syrie, en Egypte, en Iraq, en Ethiopie, en Inde, en Ukraine, en République tchèque et dans le nouvel ordinariat crée par le pape Benoit XVI qui accueille les Anglicans dans l'Église catholique. Au Liban, à titre d'exemple, 42.7% des prêtres diocésains sont mariés[6], soit 361 des 845 prêtres maronites du Liban, suivant l'enquête effectuée en décembre 2015 auprès des 13 diocèses maronites du Liban, aux fins de la présente étude. Toutefois, cette proportion varie beaucoup suivant les diocèses : dans celui de Beyrouth par exemple, elle tombe à 27.6 %, alors qu'elle atteint 75% à Tripoli, la principale ville du nord du Liban.
Au cours de la 8e congrégation générale de la XIe assemblée générale ordinaire du synode des évêques, sous la présidence du cardinal Juan Sandoval Iñiguez et en présence du pape et de 239 membres du synode, vendredi 7 octobre, le cardinal Nasrallah Pierre Sfeir[7] présente la situation des prêtres mariés dans l'Église maronite et affirme que les prêtres mariés vivent des difficultés non négligeables : « il faut avouer que le mariage des prêtres, s'il résout un problème, il en crée d'autres aussi graves. Un prêtre marié a le devoir de s'occuper de sa femme et de ses enfants, leur assurer une bonne éducation, les caser socialement ».
Les exigences demandées pour devenir prêtre ainsi que son rôle dans l'Église sont relativement connues. Mais, quel est le rôle de sa femme ? A-t-elle un service particulier auprès de son mari, ou dans l'Église ? Comment vit-elle en tant qu'épouse du prêtre ? Le prêtre étant le « serviteur de Dieu » à plein temps, le ministre de certains sacrements, le prédicateur, l'exemple à imiter et le conseiller spirituel de ses paroissiens, a-t-il le temps de s'occuper de sa femme et de ses enfants ? Peut-elle prendre sa place auprès de son époux comme elle désire ? Ou bien le sacerdoce ministériel de son mari lui impose-t-il des règles de vie ?