La femme du prêtre dans les Eglises orientales et spécialement au Liban
Rôle de la femme du prêtre
La femme du prêtre n'a pas automatiquement le même appel que son époux. Son rôle est difficilement interprétable à partir de la lecture des Écritures. Ce qui fait référence, ce sont les récits bibliques ou principes qui découlent des textes à caractère juridique et qui concernent les épouses en général. Au XXIe siècle, la femme du prêtre est considérée comme un individu libre et autonome. Elle n'est pas obligée d'avoir un ministère pastoral ou de collaborer dans le service pastoral. Elle dispose, comme tout autre membre de l’Église, des mêmes droits et de la liberté de choix. Sa vocation est d'être femme et, dans les Églises orientales, cette vocation est conçue autour des rôles de femme au foyer et de mère. Sa principale responsabilité est donc de bien prendre soin de son mari et de sa famille.
Il est à noter que la femme du prêtre a un titre particulier. En arabe par exemple, elle est appelée khouria, féminin du mot khoury (prêtre) du grec kyrios, c'est-à-dire « seigneur ». En russe matuschka, c'est-à-dire maman. En grec presbytera, c'est-à-dire prêtresse. En arménien yeredzgin, littéralement femme du prêtre. Ces noms peuvent raconter une partie de l'histoire : la femme qui accepte d'épouser un prêtre ne sera pas seulement l'épouse de son mari, mais la femme du prêtre. Ce fait aura une grande répercussion dans son foyer et sa vie. Elle peut devenir une extension de lui. Il pourra être difficile pour elle de s'affirmer en tant que personne, en dehors du fait qu'elle est la femme du prêtre.
Difficultés et contraintes auxquelles doit faire face la femme du prêtre
Des études menées à l'Institut Alban, Duke Divinity School ont montré que le niveau de stress était plus élevé chez les épouses de prêtres que chez les membres du clergé eux-mêmes. En fait, les femmes dont le mari a une carrière comme médecin, militaire, politicien ou prêtre, sont généralement soumises à des facteurs de stress découlant de cet emploi. En conséquence, la croissance émotionnelle des membres de la famille pourrait devenir inhibée et les relations interfamiliales seraient perturbées. Plusieurs facteurs de stress pour les femmes de prêtres ont été identifiés par différents chercheurs : la solitude, les problèmes financiers, les contraintes de temps liées au ministère du mari, l'absence de vie privée et les attentes et les exigences de l'Église. Il a également été montré que les femmes de prêtres souffrent souvent de la confusion, de l'ambiguïté et du conflit des rôles.
Afin de mieux comprendre ce que peut vivre les épouses des prêtres, une enquête a été conduite. 20 femmes mariées avec des prêtres maronites venant de différentes régions du Liban ont été interrogées. Un questionnaire leur a été remis. Selon la plupart des femmes interrogées, il y a plus d'avantages que d'inconvénients et plus de bénédictions que des problèmes. Leur vie démontre, selon elles, qu'elles sont à la place voulue par Dieu, qu'elles sont une aide efficace, un soutien indispensable et une grande bénédiction pour leurs maris. Ces femmes exercent un métier et sont en général des catéchistes ou assistantes paroissiales, des enseignantes, des infirmières, des journalistes, des personnes remplissant des tâches administratives et des femmes au foyer. Cependant, le questionnaire était orienté sur les difficultés ou inconvénients présentés par des spécialistes ayant travaillé sur ce sujet. Les personnes interrogées étaient invitées à classer ces éléments par ordre d'importance et à ajouter des commentaires. Le résultat est le suivant :
a- L'absence du mari pris par les multiples activités pastorales.
b- Le stress financier.
c- Les attentes et exigences placées en la femme du prêtre et ses enfants.
d- Le manque de vie privée d'une famille.
e- Le manque d'amis.
a- L'absence du mari pris par les multiples activités pastorales
Le travail des prêtres ne se limite pas à la messe du dimanche. Leurs rôles, fonctions, missions et responsabilités sont nombreuses. Ils sont la plupart du temps surchargés. Ils sont surtout très occupés au moment où les gens qui ont un travail salarié sont libres, le soir, le samedi et le dimanche. Les exigences du ministère sacerdotal et les multiples activités pastorales peuvent causer une rupture dans l'intimité et la convivialité dans le mariage ainsi qu'un manque de soutien mutuel. Ceci peut mener à la froideur, la colère, la frustration, l'anxiété, la dépression et la privation sexuelle.
b- Le stress financier
Les soucis financiers causent de nombreux problèmes dans le mariage, c'est aussi le cas dans les couples du clergé. La famille du prêtre risque de subir une pression financière relativement importante puisque, la plupart du temps, le prêtre marié ne gagne pas beaucoup d'argent. En fait, les prêtres sont généralement rémunérés par leur diocèse à travers le denier de l’Église et les offrandes. Un prêtre en exercice dispose d'un logement gratuit, le presbytère, qui est aussi son « lieu de travail », mais comme tout citoyen, il est assujetti aux taxes, assurances, gaz et électricité, aux frais de fonctionnement et d'entretien de son véhicule, aux besoins alimentaires, en vêtements... L'insécurité financière due à une insuffisance de revenus permettant de vivre convenablement peut entraîner des situations stressantes dans la famille du prêtre. Ces revenus, souvent insuffisants, obligent parfois les femmes de prêtres à travailler à plein temps pour faire face aux besoins de la famille.
c- Les attentes et exigences placées en la femme du prêtre et ses enfants
Il semble qu'au XXIe siècle, comme dans le passé, il y ait une norme pour la famille du prêtre et une autre pour les laïcs. Les attentes placées en la femme du prêtre et ses enfants sont importantes. Les fidèles attendent qu'elle soit une excellente femme au foyer, qu'elle soit en mesure de contrôler ses enfants pendant la messe mieux que quiconque, qu'elle puisse supporter le salaire de son mari sans aucune plainte et gérer tous ses devoirs tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la maison sans difficulté. Elle représente un modèle idéal pour la communauté. Ses activités sont évaluées. C'est en tout cas cet œil du public que perçoivent les femmes interrogées. Ce qui suscite une culpabilité chez certaines d'entre elles, des tentatives de coller à la représentation idéalisée ou, au contraire, un rejet chez d'autres.
d- Le manque de vie privée d'une famille
La famille du prêtre vit souvent dans un logement attenant à l'église. Vu que le presbytère[1] est considéré comme un bien public, certains paroissiens pensent qu'ils peuvent venir dans la maison du prêtre quand ils le veulent. Dans certains cas, le logement est d'ailleurs utilisé pour diverses réunions, repas, séances de conseils et d'autres activités. Ces situations sont une occasion de pression supplémentaire sur les femmes chargées traditionnellement de l'entretien de la maison et de l'attention prioritaire à la bonne tenue des enfants. La tendance contemporaine est celle qui conduit des prêtres à acheter leur propre maison. Cela signifie qu'ils ne vivent plus à côté de l'église et que la séparation entre vie pastorale et vie familiale est davantage marquée.
e- Le manque d'amis
L'enquête révèle enfin que, pour la vingtaine de femmes interrogées, il semble difficile de se faire des amis et d'entretenir des relations amicales avec des membres de l’Église du fait d'être liée à un statut social spécifique.
La femme du prêtre, dans les Églises qui autorisent cette condition, n'est pas une simple épouse. Elle est compagne, collaboratrice fidèle du prêtre, mère chrétienne. La profession de son mari l'affecte d'une manière particulière, cette vocation étant considérée au sein du christianisme comme étant plus qu'un métier. Les fidèles l'observent, sans doute plus que les autres. Elle a un titre qui lui est propre, une mission propre, en plus d'exercer son rôle de femme ayant une activité professionnelle, de femme au foyer –selon le rôle qui lui a été traditionnellement attribué- et de mère. L'étude proposée, à partir d'une enquête de terrain, mériterait d'être étendue par le recueil d'autres témoignages de femmes de prêtres, mais aussi par un travail effectué auprès des prêtres eux-mêmes et des fidèles. Cela permettrait d'affiner la description des relations et des représentations des uns et des autres et de mieux analyser les évolutions récentes.