Religions et représentation figurée

Au cœur de la Réforme : une autre attitude face au salut

Il n'est pas possible ici d'esquisser la théologie des Réformateurs, qu'il s'agisse de Martin Luther[1] en Allemagne, d'Ulrich Zwingli[2] à Zurich, de Jean Calvin[3] à Genève... sans parler de quelques dizaines de figures un peu moins connues, qui jouèrent également un rôle important. Mais il importe de mentionner deux points fondamentaux, qui auront pour conséquence un désintérêt massif pour les images pieuses et qui entraîneront, dans un grand nombre de cas, des campagnes de destruction de ces images.

Le premier point n'est autre que le coup de tonnerre que déclenche Luther quand il dénonce, dès l'année 1517, l'attitude qui consiste à croire qu'on peut obtenir le salut en « faisant » de bonnes actions. L'un des slogans de la Réforme rappellera précisément que l'humain est rendu juste non par ce qu'il fait (actions méritoires, aumônes, dons à l'Eglise etc.), mais par la seule intervention gratuite de Dieu, dont le croyant est bénéficiaire (les théologiens désignent la chose par l'expression technique de « justification par la foi »). Pour Luther, ce n'est pas parce que tel individu fait des œuvres bonnes qu'il est déclaré juste, mais c'est à l'inverse parce que Dieu le déclare juste qu'il peut faire, en conséquence, des œuvres bonnes. Les effets de ce renversement sont considérables. En ce qui concerne les images, ils sont décisifs : le financement d'images pieuses, en tant précisément que bonne œuvre devant contribuer à obtenir le salut du commanditaire, est condamné ; le pèlerinage auprès de reliques et d'images est anéanti ; la prière prononcée devant l'image du saint et à son intention est désormais privée de sens.

Le second point fondamental est à chercher dans la critique que Luther, puis les autres Réformateurs, adressent à l'institution ecclésiastique établie (le pape de Rome, les évêques, le clergé). Cette critique est certes seconde par rapport à la conception de la foi et des œuvres, mais elle n'en est pas moins virulente. Les Eglises issues de la Réforme tiennent pour nulles et non avenues toutes les prescriptions juridiques de l'Eglise de Rome et elles rejettent, avec le pouvoir romain, toute la symbolique de ce système ecclésial. Or, les images jouent un rôle de premier plan dans cette symbolique. S'en prendre à l'Eglise de Rome, c'est donc aussi s'en prendre à l'apparat des lieux de culte, et tout particulièrement aux images pieuses.

C'est ainsi que la Réforme connaît très rapidement, un peu partout en Europe, diverses manifestations de destruction d'images. On parle à cet égard de vagues d'iconoclasme.

  1. Martin Luther (1483-1546)

    Théologien à l'origine de la Réforme dite « protestante ». Sur la base d'une lecture des épîtres de Paul qui doit beaucoup à Augustin (354-430), il fait valoir que Dieu accorde aux humains le salut en vertu de son seul don gratuit, non pour rémunérer de bonnes actions (on désigne ce point fondamentale de la Réforme par l'expression de « justification par la foi seule »). Le mouvement de Luther entraîne un schisme et la constitution d'une autre Eglise, indépendante de l'Eglise de Rome dont le pape est le chef.

  2. Ulrich Zwingli (1484-1531)

    Réformateur de Zurich (Suisse). Sa doctrine rejoint fondamentalement celle de Luther, mais diverge sur certains points (notamment la compréhension du sacrement de la sainte cène et la conception des rapports entre l'Eglise et l'Etat).

  3. Jean Calvin (1509-1564)

    Juriste et théologien français, il s'établit à Genève en 1536. Après en avoir été chassé (1538) puis y avoir été rappelé (1541), il y construit un modèle d'Eglise qui exerce une influence durable sur le protestantisme français et anglo-saxon. Son œuvre majeure, qui connaît de nombreuses versions, est intitulée Institution (c'est-à-dire enseignement) de la religion chrétienne.

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