Introduction
Au milieu du XIXe siècle, des intellectuels arabes manifestent le souhait de revivifier un patrimoine hérité en consonance avec certaines démarches adoptées dans l'espace européen depuis le XVIe siècle. Le terme « Nahda »
, souvent traduit par Renaissance, prend diverses acceptions comme il a été indiqué dans la première partie de ce cours, mais il se voit aussi supplanté par le terme « Islâh »
aux connotations religieuses marquées. Nombreux sont les acteurs de ce mouvement transversal de renaissance arabe moderne, à la fois littéraire, politique, culturelle et religieux dont les prémices ont commencé à apparaître avec la fin du XVIIIe siècle. Sans en surévaluer la portée, la campagne militaire d'Egypte (1798-1801) de Bonaparte[1] qui inclut techniciens, administrateurs et savants aux côtés des soldats, est un moment décisif de ce processus. L'événement provoque le questionnement et la curiosité des élites, dont certaines aspirent à un changement constructif. L'instauration d'une politique éducative ouverte sur ce qui a été fait en Europe ou en Amérique du Nord leur apparaît comme un enjeu décisif.
Dans le même temps, missionnaires protestants et catholiques rivalisent pour s'établir au sein de ces sociétés. La connaissance de l'héritage culturel de la langue arabe écrite et ses déclinaisons dialectales qui concernent une grande partie de la population mondiale leur apparaît comme un enjeu décisif. La traduction de la Bible en arabe s'inscrit ainsi dans leur projet visant à la conversion des populations au christianisme protestant ou catholique. La plus ancienne traduction de la Bible en arabe dont il subsiste des sources a été trouvée au Mont Sinaï et date de 867, elle ne concerne que les Actes des Apôtres et les Epîtres. Une autre a été signalée au même endroit en 1066 et, à la fin du XIXe siècle, la revue Al-Muktataf indique d'une part que l'évêque John de Séville a traduit l'Ancien Testament en 750 et, d'autre part que le rabbin Saad Jadgaon, de l'école de Babylone, a traduit la Torah[2] au IXe siècle dont il subsiste des éditions imprimées ultérieures. Mais, à l'heure où les missionnaires protestants lancent un nouveau chantier, c'est la dernière traduction arabe de la Bible sous la direction de Serge Risi, l'archevêque de Damas, publiée par l'Eglise catholique datait de 1671, qui est en circulation. Dans sa dimension culturelle, le projet des Etats-Uniens rejoint les préoccupations de certains intellectuels arabe aspirant à un éveil social et à un renouveau religieux par l'éducation : il faut cesser de se contenter de reproduire des textes anciens. Un terrain de coopération devient ainsi possible. Qui ont été les pionniers de la traduction arabe de la Bible à cette époque ? Quelle stratégie et méthode ont-ils adoptées ? Quelles critiques cette traduction a-t-elle subies? A quelle rivale cette traduction a-t-elle fait face? Enfin quel a été l'impact de ce chantier sur l'éveil scientifique de la Nahda ?