Sciences et religions à l'époque contemporaine XIXe - XXe siècles

La rivalité entre protestants et catholiques attisée par la traduction arabe de la Bible

L'ampleur de cette entreprise protestante provoque un fort mécontentement de la part de l'Eglise catholique. Celle-ci craint la mission protestante au sein des Eglises orientales réunies à Rome qu'elle cherche à fortifier. Les publications catholiques ne manquent pas, en France et ailleurs, pour dénoncer l'action des « réformés » accusés d'avoir rompu l'unité de l'Eglise au XVIe siècle et d'être à l'origine de la Révolution française. Outre-Méditerranée, les missionnaires catholiques taxent leurs homologues protestants d'être des « apôtres du mensonge » inoculant en Orient leur « venin anti-catholique » pour favoriser le passage des catholiques d'Orient à l' « hérésie ». Les Jésuites[1] sont en pointe dans cette rivalité entre chrétiens. Ils ouvrent leurs propres écoles dès 1831, ils fondent leur imprimerie en 1854 et publient immédiatement la traduction arabe de l'ouvrage de dévotion le plus lu en milieu catholique : L'Imitation de Jésus-Christ. Et, en 1876, dix ans après l'ouverture du Collège syrien protestant (Syrian Protestant College), ils fondent l'Université Saint-Joseph.

Concernant la traduction arabe de la Bible, le jésuite d'origine hollandaise Joseph Van Ham[2] accuse les protestants d'en avoir altéré le texte original, notamment certains versets. D'autres pères joignent leur voix à la sienne pour dire que les protestants ont falsifié « l'Ecriture Sainte » et certains invitent même les musulmans à se scandaliser de voir ainsi traiter un Livre recommandé à leur vénération par le prophète de l'islam. Dans le même temps, les jésuites s'attellent à relever le défi. La version arabe de la Bible, dite de Van Ham, est éditée par l'imprimerie catholique de Beyrouth entre 1876 et 1880. Cette entreprise s'inscrit donc dans un projet global de meilleure formation des fidèles catholiques, clercs comme laïcs, de mission générale en langue française et arabe, et de réponse à l'activité préalable des protestants anglo-saxons. Les autorités ottomanes n'interviennent pas directement dans ce processus. Elles se satisfont de l'accord tacite selon lequel ces missionnaires n'atteignent que très marginalement la population de confession musulmane. Elles voient d'un œil plutôt favorable l'ouverture d'établissements de diverses confessions qui permettent l'élévation du niveau général de l'éducation dans l'Empire et la stimulation créée par leur compétition.

  1. Jésuites

    Religieux catholiques dont une des caractéristiques est de prononcer un vœu d'obéissance spécifique au pape.

  2. Joseph Van Ham

    (1813-1889) : prêtre et écrivain néerlandais, né en Allemagne. Elève du Grand Séminaire de Cologne, il fait son entrée chez les jésuites, en 1835, d'abord dans la province de Belgique puis dans celle des Pays-Bas qui est organisée en 1849. Il enseigne la théologie dogmatique, puis est nommé durant trois ans préfet des études au scolasticat. Il est assigné à Beyrouth en 1865 pour trois années d'études des langues orientales. A la fin de cette période, il obtient de pouvoir rester dans la Mission de Syrie afin d'y collaborer à la version arabe de la Bible, pour laquelle il fournit un travail important. Pendant deux décennies son statut est celui de scriptor (écrivain), de confesseur et de réviseur des livres. Durant les deux dernières années de sa vie, il souffre de maux assez graves et doit, par obéissance, s'abstenir de dire la messe. Il décède des suites d'une congestion cérébrale et est enterré à Zahlé.

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