Le trophée de Ribemont-sur-Ancre (Somme)
Le site de Ribemont sur Ancre se trouve sur le versant nord de la vallée de l'Ancre, à 14 km au nord-est d'Amiens. Il a été fouillé entre 1966 et 2003. L'ensemble du site occupe une superficie d'au moins 3 ha et se compose d'un vaste complexe d'enclos comprenant trois ensembles. À l'extrémité septentrionale, une enceinte carrée, d'une cinquantaine de mètres de côté, est réservée au dieu qui a permis la victoire. Devant elle, un nouvel enclos, plus vaste, de plan trapézoïdal, doit permettre le rassemblement des guerriers vainqueurs. Au centre de celui-ci un enclos circulaire, plus petit, et fermé de hauts murs de torchis, accueille les dépouilles des quelques dizaines de guerriers morts appartenant au camp des vainqueurs.
A l'origine de ce site, il y a une bataille décisive vers 260 av. J.-C. Elle oppose des Ambiens[2] aux peuples de l'Armorique[3] qui, selon J.-L. Brunaux, désirent contrôler toutes les côtes de la Manche ainsi que l'arrière-pays. La vallée de la Somme et de la Seine sont les deux plus importantes voies de communication en direction de la Manche et au-delà vers la Bretagne et la mer du Nord. Ce sont les monnaies retrouvées qui permettent d'identifier les protagonistes. Le nombre de morts repérés par un médecin légiste, environ entre 500 et 700, suppose qu'au moins 5000 combattants ont pris part au combat. L'armement et les parures retrouvés laissent penser qu'il s'agit de guerriers d'élite munis d'un harnachement complet. Les Belges, finalement vainqueurs, traitent rituellement le champ de bataille, d'où l'érection d'un trophée pour remercier les dieux et honorer et glorifier les vainqueurs. Pour ces derniers, les corps sans tête des guerriers armés sont exposés, debout, serrés les uns contre les autres sur 4 ou 5 rangées, un peu à la manière d'un corps d'armée sur un lieu surélevé. Cette exposition a pour but de faire de ces corps la proie des vautours et autres oiseaux charognards qui portent l'âme des guerriers dans les cieux comme dans le monde perse[4]. Lorsque les os sont blanchis et mis à nu et les armes oxydées, l'enceinte est détruite et les ossements et les armes sont jetés dans le fossé de fondation de l'enclos curviligne qui a été rouvert.
Le lieu sacré de Ribemont sur Ancre fonctionne donc à la fois comme un sanctuaire, un trophée[5] et un mémorial. Il continue à jouer ce rôle sous le Principat[6] et est abandonné au IVe siècle après J-C.