Une rupture religieuse inconcevable ou inacceptable
L'unité du monde chrétien est mise en question au début du XVIe siècle, d'abord à Wittenberg[1], dans le nord de l'Allemagne, par un moine humaniste, professeur de théologie, du nom de Martin Luther[2]. Il souligne la toute-puissance de la « grâce divine »
, le rôle de la foi, celui de l'Ecriture[3] . Il remet en cause des pratiques aussi répandues que le culte de la Vierge Marie, il refuse l'autorité du pape, il refuse celle du clergé, et conteste la légitimité de ses propriétés. Luther ne veut en aucun cas créer une nouvelle religion, mais il veut restaurer le christianisme dans sa pureté, le débarrasser de ce qu'il considère comme des évolutions théologiques et disciplinaires erronées. Il ne veut pas de rupture, mais elle apparaît inéluctable, et la présence de deux « religions »
, en Europe, pose aux contemporains des questions aussi nouvelles qu'apparemment insolubles.
La « tolérance religieuse »
, conçue comme l'acceptation complète et définitive de la pratique parallèle de religions diverses dans une même société, cette tolérance religieuse est impensable et inaccessible aux hommes de l'époque, sauf exceptions rarissimes. Car tolérer la pratique d'une « fausse »
religion conduit inévitablement, à leurs yeux, à susciter la « colère de Dieu »
, qui s'exercera non seulement contre « les autres »
, mais aussi contre ceux qui acceptent cette situation. Chaque parti pense donc que l'autre pourrit l'ensemble du corps social. Pour les tenants de la foi romaine, les « hérétiques »[4] sont une secte dont les blasphèmes appellent la « colère de Dieu »
sur tous, et il faut les empêcher de nuire. Pour les réformés, l' « idolâtrie »[5] papiste et toutes les déformations qu'elle aurait imposées à la « parole de Dieu »
entraîne la société vers la perdition. Pour faire face à cette réalité qu'il faut affronter, penser et organiser, diverses solutions sont explorées.