Le « bon riche » et la doctrine sociale de l'Église
Le Dictionnaire de la Bible consacre des articles à la richesse et au riche . On peut y lire que, pour les auteurs du texte, ce n'est pas l'argent en lui-même qui est vicié, c'est l'usage que l'on en fait, la passion qu'il suscite. Dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament, une dialectique constante oppose les idéaux types du mauvais riche et du bon riche.
Tout au long de l'histoire du christianisme, les auteurs chrétiens cherchent à trouver des formes de règles morales qui donnent des indications sur le comportement à adopter face à l'argent ; en d'autres termes, des définitions normatives du « bon riche ». D'une manière synthétique, ce dernier se doit de veiller à utiliser l'argent qu'il possède ou gagne pour le bien commun. S'il lui est conseillé de se déposséder de ses richesses, rien ne l'y oblige. Jésus n'est pas un réformateur social et il ne propose pas de système économico-social. Il prévient uniquement les croyants contre les méfaits de l'argent et valorise les hommes qui se sont détachés des biens matériels pour être plus disponibles, plus libres pour suivre un chemin spirituel. Les théologiens, saint Thomas[1] en tête, proposent des modèles pour construire une « Cité chrétienne » basée sur une communauté liée par la charité.
Il faut attendre le XIXe siècle pour que les autorités du Vatican rédigent des textes plus critiques sur l'ordre social et économique. C'est ce qu'on appelle à partir des années 1930 la doctrine sociale de l'Église, ou l'enseignement social de l'Église : un corpus à vocation doctrinale relatif aux « questions sociales ». Le texte fondateur en est l'encyclique Rerum novarum (texte du pape Léon XXIII datant de 1891). Rerum novarum est une prise de position de l'Église qui entend ainsi réagir à ce qu'elle identifie comme de graves menaces, le libéralisme et le socialisme. Par ce texte, le magistère reconnaît les méfaits du capitalisme sur les conditions de vie et de travail des ouvriers et surtout tient pour légitime l'intervention des catholiques dans les rapports sociaux. Rerum novarum autorise, et déclenche, le syndicalisme chrétien et la démocratie chrétienne.
Dans les années qui suivent et jusqu'à aujourd'hui, le corpus de la doctrine sociale de l’Église s'enrichit de documents rédigés par les papes et les évêques : outre les encycliques, on trouve diverses interventions, allocutions, messages et discours. Ce corpus de textes ne dessine toutefois pas un programme politique ou une théorie économique. Il vise essentiellement à rappeler les grands principes moraux et éthiques de la vision chrétienne de l'homme.