Thèse de Weber
Voici tout d'abord un résumé extrêmement prudent de la thèse de Max Weber, un peu à l'inverse de la caricature donnée en introduction : « une certaine interprétation du dogme calviniste a suscité certaines motivations psychologiques favorables à l'éclosion d'un nouvel état d'esprit économique lui-même conforme au capitalisme moderne ». Il s'agit d'une formulation donnée par Philippe Besnard[1] en 1970. Autrement dit : un dogme issu du corpus de Jean Calvin[2], le réformateur de Genève, aurait généré après différentes interprétations et réinterprétations une manière spécifique de comprendre la vie humaine et ses buts, impliquant un nouvel art de vivre avec ses règles et ses normes morales. Ce que l'on appelle une éthique. Cette dernière aurait contribué à l'essor du capitalisme. L'idée théologique ou dogme dont il est question est la prédestination, c'est-à-dire l'affirmation que Dieu a choisi qui était élu et réprouvé une fois pour toutes et que l'homme ne peut rien y changer.
Il est important de saisir d'entrée de jeu que Weber ne mène pas une enquête sur les causes du capitalisme, il s'interroge plus spécifiquement sur l'influence des conceptions religieuses dans le champ de l'éthique économique. Il sait que le capitalisme est multi causal. Il a lu Karl Marx[3] notamment et il connaît la mécanique matérielle qui préside à la naissance du capitalisme : les développements techniques et les questions de matière première, par exemple. Dans son ouvrage de 1905, ce que veut Weber, c'est mettre la focale sur le monde des idées. Weber est à la recherche d'une philosophie et d'une éthique propre au capitalisme, voire d'un art de vivre propre à ce modèle économique. Il veut comprendre « l'esprit du capitalisme » occidental, c'est-à-dire le substrat idéologique, culturel, moral, théologique qui porte le système capitaliste. Pour ce faire, il scrute un élément qui lui paraît prépondérant et omniprésent dans l'Allemagne de la fin du XIXe siècle : la religion, en particulier la religion protestante.