Conclusion
De manière générale, on peut dire que le christianisme a tendu d'une part à légitimer la possibilité pour l'individu de posséder de l'argent ou des biens, d'autre part à rappeler le risque de faire de l'argent une puissance asservissante ou aliénante. On citera pour conclure ces lignes de Jacques Ellul[1] (1912-1994), tirées d'un livre de 1954 :
« Il ne faut absolument pas minimiser le parallèle que Jésus établit entre Dieu et Mamon. Ce n'est pas une figure de rhétorique, c'est une réalité qu'il désigne ici. Dieu comme personne, et Mamon comme personne, se trouvent opposés. Jésus qualifie le rapport entre l'homme et l'un ou l'autre de la même façon : c'est un rapport de maître à serviteur. Mamon peut être un maître de la même façon que Dieu en est un. C'est-à-dire justement un maître personnel. (...) Ainsi, lorsque l'homme prétend se servir de l'argent, il se trompe lourdement. Il peut à la rigueur se servir de la monnaie, mais c'est l'argent qui se sert de l'homme et le fait servir en le pliant à sa loi et le subordonnant à ses buts. »
(L'homme et l'argent, Neuchâtel et Paris, Delachaux et Niestlé, 1954, p. 97).
L'interprétation dominante de Matthieu 6,24 se retrouve dans ces lignes. Si l'on excepte les interprétations radicales qui en ont été faites, la grande majorité des commentateurs chrétiens se retrouverait dans une formule comme « se servir de l'argent : oui ; s'asservir à l'argent : en aucun cas ! ».