Les différents systèmes de financement public
L'organisation des cultes et les modalités de soutien financier qui leur sont proposés par les différents États sortent du champ de compétence de l'Union européenne. Il appartient à chaque État de définir la nature de sa relation avec les communautés religieuses, le statut juridique et les modes de financement qui leur sont proposés.
Bien évidemment, les différents États se doivent, dans la définition de leur relation avec les cultes, de respecter le socle des droits fondamentaux, tels qu'il est établi par l'article 9 de la Convention européenne des Droits de l'Homme. La liberté religieuse doit pouvoir s'exercer non seulement au niveau individuel mais également au niveau collectif, tant en public qu'en privé. La Cour européenne des Droits de l'Homme a développé en la matière une jurisprudence qui admet une variété de dispositifs de financement public en faveur des communautés religieuses – ou leur absence – dans la mesure où les principes fondamentaux d'égalité et de non-discrimination sont respectés. C'est ainsi qu'un traitement plus favorable à l'égard de certaines confessions ne sera admis que s'il existe des critères ou une procédure qui permettront aux autres confessions, lorsqu'elles auront réuni les conditions nécessaires, de bénéficier du même statut.
Si le contenu des statuts nationaux réservés aux cultes doit être conforme aux droits fondamentaux – et a parfois été adapté dans un passé récent pour s'y conformer -, une grande variété de systèmes demeure admise. Dans chaque pays, l'organisation du financement public des confessions religieuses est marquée par l'histoire.
L'Europe est un continent qui a été traversé par un puissant courant de laïcisation[1] des institutions et qui est également fortement marqué par la sécularisation[2] depuis quelques décennies, bien que ces phénomènes se soient déployés avec une intensité variable dans chaque pays. Que les relations entre l'Église et l'État soient proches (cas de l'Angleterre, dont la reine est à la fois souverain temporel[3] et chef spirituel) ou lointaines (cas de la France laïque), la question du financement des religions se pose de façon constante et constitue l'interface à minima des rapports entre autorités publiques et ecclésiastiques.
On peut distinguer quatre formes d'organisation des cultes en Europe :
les Églises nationales (Scandinavie, Royaume-Uni, Grèce, Chypre, Malte...) : une confession dominante bénéficie d'un statut privilégié. Fortement ancrées dans l'histoire des pays, les confessions qui en bénéficient sont le plus souvent des Églises réformées ou orthodoxes, Malte constituant une exception à cet égard (le catholicisme y est la religion officielle). Ce système évolue – en particulier en Scandinavie – afin d'offrir une meilleure prise en compte des minorités religieuses.
les cultes reconnus (Alsace-Moselle, Autriche, Belgique...) : prenant en compte le pluralisme religieux, ce système accorde une situation privilégiée à plusieurs cultes qui bénéficient d'un financement public direct, parfois via la prise en charge du paiement des traitements du personnel, le plus souvent par le financement des lieux de cultes et de l'enseignement religieux. Les modalités de ce financement public sont fixées par la loi, de manière unilatérale.
les cultes conventionnés (Allemagne, Italie, Luxembourg ...) : l'État et les cultes concluent entre eux une convention qui définit les droits et devoirs de chacune des parties. Dans ce cas, il y a souvent conclusion d'un concordat[4] avec le Saint-Siège en ce qui concerne le statut de l'Église catholique. Les autres cultes concluent avec l'État de simples conventions.
la séparation (laïcité) (France, Irlande, Pays-Bas) : l'État s'abstient de conférer un statut officiel aux communautés religieuses, qui ne bénéficient pas d'un financement public direct : c'est alors essentiellement par la déductibilité des dons que la collectivité apporte un soutien financier aux groupes religieux, même si des interventions en faveur des édifices du culte au titre du patrimoine ne sont pas exclues.
Ce sont les systèmes 2. et 3. qui se sont montrés le plus flexibles pour accueillir le culte musulman parmi les bénéficiaires d'un financement public. À noter que l'organisation du financement public des cultes dans ces systèmes connaît des variantes. À côté de l'octroi direct de subsides ou de la prise en charge directe de certaines dépenses, dans certains États le système passe par un prélèvement fiscal spécifique. L'impôt prélevé au profit de communautés religieuses conventionnées connaît deux variantes : l'impôt d'Église (système allemand), où un pourcentage substantiel du revenu est affecté à l'Église dont on est membre et l'impôt philosophiquement dédié (IPD), où le contribuable choisit chaque année la communauté religieuse conventionnée à laquelle il souhaite affecter une partie de son impôt (système italien).