Influences et rapprochements doctrinaux
L'influence des Frères musulmans sur ce mouvement est l'objet de débats. Les similarités de modes d'action et les rapprochements doctrinaux entre les deux mouvances valent la peine d'être relevés. Dans les années 1950, les écrits sunnites circulent dans l'ensemble du monde majoritairement musulman, ils sont traduits et imprègnent des idéologues venus d'horizons divers, y compris des chiites. Les islamistes chiites se réfèrent à des auteurs tels que Hassan al-Banna[1] , Maulâna Abu-l-Alaa Mawdûdî[2] , Cheikh Taqi al-Dîn al-Nabahani[3] et Sayyid Qutb[4] . Les écrits de Qutb, et de Mawdûdî, sont d'ailleurs largement traduits en persan au moins à partir des années 1960, notamment par des journalistes religieux chiites maîtrisant l'arabe. Si les idées circulent, il en est de même des personnes qui les portent ou s'en réclament, notamment à l'occasion de congrès tel celui de Jérusalem.
En décembre 1953, le Congrès islamique pour Jérusalem (al-mu'tamar al-islâmî li-l quds) est organisé à l'initiative du cheikh Amjad al-Zahâwî[5] , ‘alim[6] de Badgad. Amjad al-Zahâwî n'est autre que le fondateur, aux côtés de Mohammad Mahmoud al-Sawwâf[7] , de la branche irakienne des Frères musulmans, née en 1947. Le Congrès, qui réunit des ulémas issus de l'ensemble du monde islamique, a lieu dans le Vieux Jérusalem, sous autorité de la dynastie jordanienne, qui a annexé la Cisjordanie. Le but du Congrès est la « négociation au sujet de la Palestine et la préservation de la ville de Jérusalem d'une probable attaque juive ». Les personnalités conviées d'Iran sont les ayatollahs Borujerdi, Kashani et al-Karma'î ainsi que Navvab Safavi. Le charisme de ce dernier semble impressionner autant les membres du Congrès que la presse, comme l'atteste le compte-rendu de l'époque rédigé par la représentation diplomatique iranienne en Jordanie et adressé au Ministère des affaires étrangères. Après le congrès, Safavi se rend en Egypte, sur l'invitation des Frères musulmans. Il tente, sans succès, de les réconcilier avec Nasser[8] . Safavi est familier de la pensée des Frères depuis ses études en Irak mais ce voyage est pour lui la première occasion où il se trouve en contact direct avec eux. Il prononce une conférence retentissante à l'Université du Caire et appelle le Président Néguib[9] à intervenir sur le Canal de Suez pour repousser les Anglais et les Israéliens, même si ces derniers ne se trouvent pas à proximité du Canal, dans la mesure où l'Egypte administre alors la Bande de Gaza. Il y rencontre également Yasser Arafat[10] , à qui il conseille d'abandonner ses études d'ingénieur pour se consacrer au peuple palestinien et à sa lutte.
En 1955, les Feda'iyan critiquent le pacte de Bagdad voulu par les Etats-Unis pour organiser une alliance d'Etats du Moyen-Orient contre l'URSS et ses alliés. Ils tentent, en novembre de la même année, d'assassiner le Premier ministre iranien Hossein ‘Ala[11] . Safavi et d'autres de ses compagnons sont arrêtés puis exécutés. Cet événement signe la fin du mouvement des Feda'iyan. Plusieurs groupes revendiquent la continuité avec son idéologie, avant ou après la Révolution iranienne de 1979.