L'entrée dans le jeu politique
Dans les années 1949-1950, le mouvement s'engage en politique aux côtés de Kashani et d'autres partis, notamment le Front national, même si les Feda'iyan émettent des réserves vis-à-vis de certains candidats, qui n'ont pas le projet d'établir un gouvernement islamique. Kashani leur rappelle que la priorité est la nationalisation du pétrole. Ils mènent toutefois un certain nombre d'actions qui en dit long sur leur engagement radical, lançant une campagne contre les femmes ne portant pas de voile dans l'une des mosquées les plus importantes de Téhéran, attaquant les boutiques vendant de l'alcool et enrôlant des volontaires pour aller combattre en Palestine.
Les Feda'iyan se rendent en outre coupables d'autres assassinats politiques, en tuant notamment deux Premiers ministres : Abdul-Hussein Hajir[1] et Ali Razmara[2] . Ce dernier assassinat permet au Front national et à Mossaddegh[3] de prendre la direction du gouvernement à la demande du Shah . Mais dès l'arrivée au pouvoir de Mossaddegh, les différends avec les Feda'iyan et Kashani font surface et portent notamment sur la lutte révolutionnaire pour faire tomber le Shah[4] et le projet de mise en œuvre de lois islamiques telles qu'énoncées dans son manifeste. En soutenant le Front national de Mossaddegh, les Feda'iyan nourrissaient l'espoir de l'instauration d'un régime islamique où leurs idées seraient appliquées, mais leurs espérances sont rapidement déçues et ils ne tardent pas à s'opposer à son gouvernement. Par ailleurs, les Feda'iyan entrent également en conflit avec celui qui avait été jusque là leur mentor, l'ayatollah Kashani, lui reprochant sa modération politique. Selon les périodes et les enjeux politiques, les Feda'iyan prennent leurs distances avec Kashani pour se rapprocher de Mossaddegh, ou inversement, car Kashani se désolidarise de Mossadegh au gré des enjeux et des intérêts politiques en présence.
Les Feda'iyan se positionnent également contre les communistes du parti Tudeh[5] , avec lesquels ils s'affrontent le 02 janvier 1953. Ce jour-là, le clerc sayyed Ali Akbar Borqa‘î, membre du groupe des Partisans de la paix (Jam‘iyat-e havādārān-e solh), lié au parti communiste, rentre à Qom après avoir assisté au Conseil mondial de la paix à Vienne. Il est accueilli par un groupe d'agitateurs anti-Mossaddegh, scandant des slogans tels que : « Mort à l'islam, au Coran et à l'ayatollah Borujedi[6] ». Les bruits de l'agitation parviennent à l'école Fayziyya, qui abrite le séminaire religieux de Qom et un groupe d'étudiants, menés par cheikh Fazlollah Mahallati[7] , membre des Feda'iyan, se rend sur les lieux et s'en prend aux manifestants. Avec l'aide de Ruhollah Khomeiny[8] , qui enseigne au séminaire de Qom à l'époque, les sympathisants des Feda'iyan organisent une émeute anti-Tudeh. Une importante manifestation menée, deux jours plus tard, par des étudiants en religion et des bazaris[9] se termine par des affrontements avec la police qui se soldent par un mort et une dizaine de blessés. Khomeiny est chargé par Borujerdi d'enquêter sur l'affaire et de déposer plainte. Mahallati, affirme par la suite que toute cette affaire était « un complot destiné à apeurer les ulémas » et à creuser le fossé les séparant du gouvernement Mossadegh. Les actions anti-Mossadegh des Feda'iyan culminent avec la tentative d'assassinat, le 14 février 1952, de Hossein Fatemi[10] , vice-Premier ministre et proche de Mossadegh. Un constat s'impose : dès lors que les alliances politiques échouent, les Feda'iyan reviennent à l'action violente et en particulier aux assassinats politiques.