Introduction
De pacifistes inconditionnels, au cours de cette décennie, il n'est que les témoins de Jéhovah[1] et les quakers[2] . Les « sermons patriotiques », les déclarations confessionnelles de loyalisme, les « services divins extraordinaires », les manifestes « au nom de la foi » et les « martyrs » ne se comptent pas. Le passé religieux est mis à contribution au service de causes belliqueuses. Dans le cas du christianisme, le concile d'Ancyre (314), les pères de l'Église et l'imaginaire médiéval sont sollicités pour nourrir l'argumentaire de la « croisade », de la « guerre sainte », de la « guerre juste », de la « guerre sacrée ». De manière analogue, le « jihâd » est invoqué par des musulmans qui combattent dans les deux camps en présence.
Ces références voilent une réalité complexe. Pour des motifs religieux, la Belgique et la France étaient la cible de vives critiques dans les milieux anglo-saxons protestants. La France y était qualifiée de nation d'« infidèles » et la Belgique était accusée de soutenir des atrocités au Congo belge avec la caution du roi Léopold, tandis que l'Allemagne « réformée » apparaissait comme le témoin de la réussite et du progrès selon la volonté divine. Le 1er août 1914, l'archevêque de Cantorbéry dit ne pouvoir imaginer une guerre entre l'Angleterre et l'Allemagne « au XXe siècle de l'Évangile du prince de la paix ». Les déclarations de guerre inversent ces pôles avec une extrême rapidité. Aucune confession ne fait montre d'une unité interne. Sur le terrain, le chaînon majeur de solidarité est la nation, constituée ou en voie de constitution. Dans les chancelleries, les intérêts économiques priment : ainsi la France ne soutient pas l'idée d'un séparatisme interne à l'Empire ottoman lorsqu'est organisé, à Paris en 1913, le premier Congrès arabe. L'Alliance universelle pour la promotion de l'amitié internationale par les Églises se divise, de même que les organisations juives transnationales.