Les massacres pendant les guerres de religion - Aurélien Ruellet

Conclusion

Le massacre, loin d'être un acte insensé et inexplicable, obéit donc à des logiques militaires et politiques. Au-delà du simple antagonisme confessionnel, il se fonde également sur des attentes prophétiques et sur les dimensions communautaire et carnavalesque de la culture populaire qu'il pousse à leur paroxysme. C'est toujours en contexte qu'il faut s'efforcer de comprendre le surgissement des massacres. De fait, la violence massacreuse n'a pas connu le même étiage tout au long des guerres de religion.

La Saint-Barthélemy apparaît comme l'apogée de la violence massacreuse. Entre la fin du mois d'août 1572 et le début du mois d'octobre, on compte peut-être 10 000 victimes, tantlors de la crise parisienne qui inaugure le massacre et que lors de ses échos provinciaux. Côté protestant, le massacre devient immédiatement objet d'une mémoire militante qui renforce l'identité huguenote : les protestants constituent le véritable « peuple de Dieu » tandis que leur bourreau Charles IX[1] est une incarnation contemporaine de Pharaon[2] . Le massacre va ainsi accélérer la maturation politique des idées monarchomaques[3] et donner lieu aux revendications du droit à la résistance.

Côté catholique, la violence va changer de registre. D'une part, elle s'intériorise et se tourne vers le fidèle catholique lui-même, à travers de grandes processions pénitentielles dans les villes acquises à la Ligue[4] , les « processions blanches » (notamment en 1583-1584). D'autre part, elle répond à un projet politique plus cohérent en s'abattant sur le mauvais roi : les régicides d'Henri III[5] en 1589 puis d'Henri IV[6] en 1610 sont commis au nom de Dieu et punissent non plus la foule indistincte des huguenots, mais ceux -- les « politiques[7] » -- qui ont mis en œuvre une politique de tolérance civile.

  1. Charles IX

    Charles IX (1550-1574) : Roi de France de 1560 à 1574.Deuxième fils de Catherine de Médicis et Henri II, il reste longtemps sous l'influence de sa mère qui a exercé la régence. Il prend des mesures pour tenter d'apaiser les relations entre catholiques et huguenots : paix de Saint-Germain (1570) ; mariage de sa sœur Marguerite avec Henri de Navarre (qui sera roi sous le nom de Henri IV). Mais il n'empêche pas le massacre de la Saint-Barthélémy (24 août 1572). Il décède quelques mois plus tard.

  2. Pharaon

    Pharaon : dans les livres de la Genèse et de l'Exode, les Pharaons sont les souverains égyptiens opprimant les Hébreux et les réduisant en esclavage, avant que Moïse ne les guide hors d'Égypte

  3. Monarchomaques

    Monarchomaque : Terme forgé en 1600 par un Anglais, William Barclay, pour désigner plusieurs théoriciens politiques (protestants mais aussi catholiques) défendant le droit de résistance et l'élimination du tyran. Bien que les principaux auteurs monarchomaques (François Hotman, Théodore de Bèze, Philippe Duplessis-Mornay et Hubert Languet) soient protestants, c'est du côté catholique que vient la mise en œuvre du tyrannicide, avec le régicide d'Henri III par le dominicain Jacques Clément en août 1589.

  4. Ligue

    La Ligue désigne à partir des années 1584-1585 le parti ultracatholique hostile à Henri III. Elle résulte de la convergence entre les ligues de défense catholique qui s'étaient constituées dans les années 1570, surtout dans les villes du nord du royaume, et le parti catholique mené par les Guise. Elle reçoit le soutien de l'Espagne et de la Papauté.

  5. Henri III

    Henri III (1551-1589) : Roi de France de 1574 à 1589. Dernier roi de la dynastie des Valois.Il suscite l'hostilité des catholiques intransigeants tant pour ses manières de cour et ses pratiques de gouvernement que pour son opposition à la Ligue. Il commandite en décembre 1588 l'assassinat du chef de la Ligue, le duc Henri de Guise. Désigné comme le « vilain Hérodes » (anagramme de Henri de Valois [Le S à Hérode semble avoir été ajouté pour reprendre le S de Valois]) par le camp ligueur, il est assassiné en août 1589 par le dominicain Jacques Clément.

  6. Henri IV

    Henri IV (1553-1610) : Roi de France à partir de 1589. Premier roi de la dynastie des Bourbons. Il se convertit du protestantisme au catholicisme et rétablit la paix intérieure (édit de Nantes) et extérieure, notamment avec l'Espagne. Son génie politique, son caractère de bon vivant, mais aussi son assassinat en font l'une des figures les plus populaires de l'histoire de France.

  7. politiques

    Terme en usage à l'époque pour désigner les individus, catholiques modérés, qui par souci de la concorde publique et de l'intérêt de l'État, se rallient à la politique de tolérance civile prônée par Henri III puis Henri IV.

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