Le « voile » : aléas du multiculturalisme et crise identitaire
L'une des références coraniques en la matière se trouve dans la sourate « Les coalisés » (33, 59), le terme utilisé étant jalâbîb (pluriel de jilbâb). Fatima Mernissi, dans son livre Le harem politique, parle du double symbolique du « voile » : de l'une il les protège du regard d'autrui et de l'autre il les sacralise. Pour Asma Lamrabet, ce « voile » ne doit s'appliquer qu'aux femmes citées dans le verset. Historiquement, à partir du califat abbasside, le port de cette pièce de vêtement est devenu une règle pour les femmes musulmanes. A cette époque, c'était une pratique dans la Perse qui avait été conquise et, antérieurement, en Assyrie où existaient également la réclusion des femmes et les harems. Il y eut donc conjonction entre des coutumes des sociétés conquises et l'interprétation de commentateurs du Coran.
Asma Lamrabet dénonce la réduction du débat sur la situation de la femme musulmane à la simple question de son aspect vestimentaire. Pour elle l'émancipation de la femme et le recouvrement de ses droits sont plus importants. Elle affirme que le corps, qu'il soit celui de l'homme ou de la femme, est au centre d'une problématique d'ordre éthico moral dans toutes les sociétés du monde. C'est ainsi qu'en « Occident » on assiste à une tendance à diviniser le corps, et surtout à une sorte d'apologie d'un idéal physique féminin véhiculé par les médias et la publicité qui réduisent la femme à un produit de consommation à un corps tout simplement. En réaction et sous le poids de la culture, dit-elle, dans le monde majoritairement musulman il y a une tendance à la réclusion du corps féminin.
Procédant à une analyse par un retour à la source coranique, Asma Lamrabet affirme que la question de se couvrir la tête et le corps ressort d'une conviction spirituelle et non d'une imposition socioculturelle. De plus, elle considère que le mot hijâb n'est pas adéquat pour se référer aux habits de la femme, car il ne s'agit pas là d'un vêtement. Elle cite le verset 26 de la sourate 7 « Les hauteurs », où il est question de l'aspect vestimentaire de tout individu : « Ô enfants d'Adam, Nous vous avons dotés de vêtements pour couvrir votre nudité,... mais le meilleur vêtement est certes celui de la taqwâ (piété) ». Elle rappelle que dissimuler sa nudité est l'une des premières règles morales de l'humanité. La sourate lui permet d'affirmer la supériorité de l'intériorité sur l'apparence vestimentaire. Le concept de pudeur et de modération auquel incite le Coran exprime, selon elle, le respect du corps de l'autre au sein d'une culture de culte du corps et des plaisirs extrêmes.