Le réformisme islamique et la science moderne - Aline Schlaepfer

Conclusion

Ce détour par les textes d'Ernest Renan d'une part, et d'Al-Afghânî et de ses disciples d'autre part, montre que la question de la compatibilité entre science et religion préoccupait alors tout autant les penseurs du nord et du sud de la Méditerranée. Elle leur posait de nombreux problèmes théoriques, bien plus du moins que ne le laisse entrevoir leur échange dans le Journal des débats. Et le respect que les deux penseurs se sont toujours témoigné – dont le lecteur contemporain garde une trace dans cet échange mais ailleurs également dans leurs écrits – a pour origine un accord tacite, à savoir la possibilité de surmonter un antagonisme frontal contemporain du fait, notamment, des insuffisances de ceux qui parlent au nom de la religion. Cependant, les raisons qui poussent les deux hommes à adopter une telle position, ainsi que leur démarche pour y parvenir, sont fondamentalement différentes. Al-Afghânî perçoit la science comme un instrument politique produit par « l'Occident » (al-gharb) et dont l'objectif n'est autre que l'anéantissement des « valeurs de l'islam » ; il entend le démontrer à travers l'exemple indien. Il n'en va pas de même pour Ernest Renan pourtant, pour lequel l'enjeu colonial n'entre pas en considération dans le rapport entre science et religion. Il concède quant à lui une interprétation strictement humaniste du christianisme, mais jamais la subordination de la science à quelque religion que ce soit.

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