Introduction
L'émirat[1] du Mont-Liban constitue une entité politique propre au sein de l'Empire ottoman. Il possède une autonomie relative et surtout un statut particulier qui le distingue de nombreuses institutions ottomanes connues, dont la nature est principalement fiscale. La dynastie Maan est la première à avoir régi l'émirat, depuis la conquête ottomane des provinces arabes en 1516 jusqu'à son extinction en 1697. L'émirat se compose de notables et de paysans enserrés dans une société d'ordres quasi immuable. Son étendue correspond plus ou moins à l'espace géographique du futur Liban et inclut souvent des régions de la Palestine et de la Syrie. Sa superficie augmente ou diminue selon l'habileté politique, le jeu d'alliances et la fortune des armes de ses tenants, en l'occurrence les Maan. Cette dynastie s'éteint à la mort de l'émir Ahmad (1664-1697) sans héritier ni successeur. Le pouvoir passe alors aux mains des Chéhab, descendants de Quraysh[2], originaires de La Mecque et établis à Hasbayya à Wadi t-Taym pour combattre les Francs.
Le transfert du pouvoir des Maan aux Chéhab s'accomplit selon quatre principes qui leur confèrent une légitimité, à savoir : la parenté entre les deux maisons, l'alliance politique indéfectible et l'appartenance au même parti dit qaysi[3], le choix effectué par les notables et la reconnaissance de la Sublime Porte. A ces éléments de légitimité les Chéhab ajoutent leur compétence pour gouverner et leur puissance militaire. Leur capacité à administrer le Mont-Liban s'exprime par leur habileté à rallier les grandes familles des notables, à garantir l'intégrité de leur territoire (illustration en attente d'autorisation) et à incorporer la plaine de la Bekaa et la ville de Beyrouth, c'est-à-dire un grenier à céréales et une porte d'échange avec le monde. Leur puissance militaire se manifeste dans la maîtrise des innombrables conflits qui les exposent aux dangers extérieurs et intérieurs, tels que les agressions des vali-s[4] voisins, les empiétements des potentats locaux et la conspiration des rivaux. Les princes sortent vainqueurs de tous les combats qu'ils ont engagés avec leurs adversaires dans le premier tiers du XVIIIe siècle. Ils s'imposent notoirement à la bataille d'Ain Dâra en 1711. Ils y écrasent les membres du parti yamani et consolident le mode de gouvernement basé sur l'iktaa`[5] qui se perpétue jusqu'en 1842. Ce système constitue la pierre angulaire de l'émirat et institue une hiérarchie des relations entre les notables et les paysans comme à l'intérieur de chaque ordre. Nassif Al-Yâziji[6] en décrit les assises dans un traité particulier.