Introduction
La Réforme religieuse est l'événement le plus important de l'histoire européenne du XVIe siècle : si la notion même de réforme est très ancienne, et que de nombreuses voix s'étaient fait entendre dans les derniers siècles du Moyen Age pour appeler à une réforme de l'Eglise, dans sa tête (la hiérarchie, la papauté) et dans ses membres (les fidèles), la Réforme lancée par Martin Luther[1] en Allemagne, par Huldrych Zwingli[2] en Suisse, par Jean Calvin[3] à Genève va contribuer à redessiner la carte de l'Europe, séparée dès la seconde moitié du XVIe siècle en deux fronts confessionnels[4].
S'agissant de doctrines politiques, deux figures de premier plan, celles de Luther et de Calvin, seront étudiées. Trois remarques liminaires s'imposent :
la pensée politique n'est pas au cœur de la doctrine des Réformateurs, dans la mesure où la Réforme est d'abord un événement qui concerne la théologie (la compréhension que les hommes ont de Dieu, en particulier dans son action envers l'humain) et l'anthropologie (la compréhension que les hommes ont de l'humain, en particulier dans le contexte qui nous occupe dans ses rapports à Dieu). Cela dit, les Réformateurs ont rapidement perçu qu'ils ne pouvaient faire l'économie de l'articulation du religieux au politique : c'est seulement de ce volet qu'il va être ici question ;
pris dans la course des événements, Luther, comme Calvin, prononcent des sermons et publient un grand nombre d'écrits de circonstance. Ni l'un ni l'autre ne sont des théoriciens de la pensée politique : le grand nombre des travaux consacrés à leur vision politique (surtout dans le cas de Calvin) ne doit pas le faire oublier ;
un truisme enfin : l'Europe du XVIe siècle s'inscrit dans un contexte mental, social et politique où le religieux et le politique sont très étroitement mêlés. Il faut en particulier relever qu'aucun des critères qui permettent de définir la
« laïcité »
n'est, sauf exception, présent à l'âge de la Réforme : on n'y trouve pas de liberté de croyance, à plus forte raison pas de liberté de culte ; le prince[5] impose sa religion et réserve les charges publiques aux sujets qui sont de sa religion ; le trésor public finance l'exercice du culte. Le plus souvent (si l'on fait abstraction du cas minoritaire des juifs qui ne pourra être évoqué ici), prévaut donc le principe selon lequel chaque région politique ne connaît l'exercice que d'une religion. Ou, selon la fameuse formule latine : cuius regio, eius religio.