Changement confessionnel et accès à l'indépendance : les institutions politiques et religieuses à Genève au XVIe siècle

Genève, ville impériale et principauté épiscopale (XIe-XVIe siècles)

Jusqu'au XIe siècle, Genève est partie intégrante du royaume de Bourgogne avant de passer sous le contrôle du Saint Empire romain germanique : elle acquiert ainsi le statut de ville impériale et principauté épiscopale. En recevant l'immédiateté impériale, Genève ne dépend que de l'empereur et du prince-évêque, seigneur de la ville, qui cumule pouvoir temporel et pouvoir spirituel. Prince d'empire, par délégation de la puissance souveraine, l'évêque possède les droits régaliens c'est-à-dire le privilège de battre monnaie, de lever l'armée, ainsi que les droits d'exercer la justice et de collecter l'impôt. Prince d'Église, ses fonctions spirituelles impliquent qu'il ne peut verser le sang ou exercer ses droits militaires. Pour pallier ces restrictions, l'évêque en délègue la charge à des seigneurs laïcs issus de deux maisons rivales. L'exécution des sentences judiciaires est sous la responsabilité des comtes de Genève alors que l'exercice de la justice civile est aux mains d'un vidomne[1] issu de la maison de Savoie[2]. L'évêque est aussi assisté d'un chapitre cathédral[3] qui rassemble les fils de familles nobles ou des juristes titulaires d'un grade universitaire. La rivalité entre les maisons de Savoie et de Genève concernant les territoires et les fonctions qu'ils exercent auprès de l'évêque perdure jusqu'en 1401, date à laquelle le comté de Genève est définitivement réuni au comté de Savoie. Sans rival de son rang, la maison de Savoie convoite alors les droits et les possessions territoriales de l'évêque dont Genève, mais elle se heurte aux forces grandissantes de la commune.

Depuis le XIIIe siècle, en même temps que se déroulent des luttes entre les maisons rivales, un mouvement communal s'est développé à Genève. L'essor et la tenue régulière des foires et des marchés, l'expansion urbaine et le développement des bourgs et des faubourgs qui découlent de la croissance économique et démographique de la cité, participent à l'implantation d'une commune qui s'affirme. D'apparition tardive par rapport à d'autres pays en Europe, la commune consiste tout d'abord en une association jurée[4] d'artisans et de commerçants. En 1387, l'évêque Adhémar Fabri[5] légitime le pouvoir communal en confirmant « les libertés, franchises[13], immunités, us et coutumes » genevoises préexistantes. La mise par écrit des « franchises » fixe les droits de la cité et favorise une continuité institutionnelle. Jusqu'à la fin de l'Ancien Régime[6] les                  « Franchises d'Adhémar Fabri » symboliseront l'autonomie genevoise. La commune s'organise autour de deux institutions. La première est le Conseil Général[7] qui rassemble les Citoyens[8] , les Bourgeois[9] et les Habitants[10] deux fois par an dans le cloître St Pierre : en février pour élire les syndics et en novembre pour fixer le prix du vin. Seul compétent pour accepter un nouvel impôt ou un emprunt, le Conseil Général peut être convoqué en dehors de ces dates afin de se prononcer sans délai sur des objets précis. La deuxième structure décisionnelle de la cité est le Petit Conseil[11] qui représente le pouvoir exécutif et se compose de quatre syndics[12] entourés de douze à vingt Citoyens. Les membres du Petit Conseil parmi lesquels sont choisis les syndics élus annuellement, sont nommés à vie. Le Petit Conseil exerce la justice criminelle, gère les finances de la ville, s'occupe de la police des rues, et des travaux publics. Les syndics, juges des causes criminelles, sont habilités à prononcer les sentences criminelles ainsi qu'à recevoir le serment du vidomne qui s'engage à respecter les franchises. Ils ont aussi la possibilité de prononcer une trêve sans l'aval du prince-évêque, mais celle-ci doit être ratifiée en Conseil Général. À partir de 1409, les délibérations du Petit Conseil sont consignées par écrit. Ainsi les Conseils représentent les institutions communales qui se maintiennent tout au long de l'Ancien Régime mais leur pouvoir et l'autorité qu'ils détiennent varient selon les époques et sont à l'origine de fréquents conflits.

  1. Vidomne

    Seigneur laïc, dépendant de l'évêque, officier en charge de rendre la justice à la place de l'évêque. Il est juge des causes civiles et instruit les causes criminelles dont la sentence est prononcée par les syndics. La procédure est de type accusatoire, c'est-à-dire orale, simple en langue vulgaire. L'exécution des sentences de peines capitales ou de mutilation est à la charge d'un vassal de l'évêque occupant la fonction d'avoué de l'évêque. Jusqu'au début du XVe siècle, cette fonction est aux mains des Comtes de Genève.

  2. Maison de Savoie

    La maison de Savoie est comtale jusqu'en 1416 puis ducale à partir de cette date. A partir du XVIIIe siècle, les ducs de Savoie porteront les titres de roi de Sicile (1713) puis roi de Sardaigne (1720) et roi d'Italie (1861).

  3. Chapitre cathédral

    Le chapitre cathédral est un conseil de clercs appelés chanoines qui sont chargés de rendre un culte solennel dans une église cathédrale. Ils possèdent une autorité juridique suffisante pour délibérer des affaires de l'Évêché le cas échéant

  4. Association jurée

    Des artisans de même spécialité forment une association jurée qui a pour but de défendre leurs intérêts et dont les membres sont liés par un serment d'obéissance au groupe.

  5. Adhémar Fabri ( ?-1388)

    Prieur des dominicains à Genève en 1357, il devient vicaire général de l'évêque de Genève. Le 12 juillet 1385, il est ordonné évêque de Genève et meurt en Avignon en 1388. En 1387, il reconnaît la charte des Franchises aux Genevois et la faire mettre par écrit.

  6. Ancien Régime

    En France l'Ancien Régime correspond à la période antérieure à 1789 sous gouvernement monarchique.

  7. Conseil Général

    Il est composé des Citoyens et des Bourgeois de sexe masculin et de plus de 25 ans. Les membres du Conseil Général ont le droit de vote et sont éligibles. Le Conseil Général élit les syndics et le lieutenant de justice, les auditeurs et le procureur général.

  8. Citoyens

    Les Citoyens jouissent des droits politiques et peuvent accéder à tous les métiers. Ils sont nés à Genève de père Citoyen ou Bourgeois.

  9. Bourgeois

    Les Bourgeois sont des étrangers ou des Habitants qui accèdent officiellement à la bourgeoisie moyennant finance ou service rendus à la ville. Leurs descendants sont citoyens. Ils possèdent les mêmes droits politiques que les citoyens à l'exception de l'éligibilité au Petit Conseil.

  10. Habitants

    Les Habitants sont les individus qui habitent ville et qui ne possèdent ni le statut de Bourgeois, ni celui de Citoyen. Ils ne bénéficient d'aucuns droits politiques. A partir du XVIe siècle, le statut d'Habitant devient une catégorie politique à part entière. Les étrangers sont reçus Habitants quelques semaines après leur arrivée. Comme le stipule l'en-tête de la lettre d'habitation qui leur est accordée, ils se sont engagés à vivre selon « la Sainte Réformation ».

  11. Petit Conseil ou Conseil Ordinaire

    Gouvernement de Genève, théoriquement ville d'empire, mais jouissant d'une totale autonomie politique. Il est composé de vingt-cinq membres et deux secrétaires d'Etat, tous Citoyens. Le Petit Conseil élabore les lois, siège en appel du tribunal civil et en tant que tribunal pénal. Il choisit les membres du Conseil des Deux-Cents.

  12. Syndics

    Dans une ville franche les syndics sont les représentant des habitants auprès du suzerain. A Genève, les syndics sont au nombre de quatre, ils président le Petit Conseil. Leur présence est attestée depuis le XIIIe siècle.

  13. Franchises

    Les franchises accordées à la ville sont un droit qui limite l'autorité souveraine.

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AccueilAccueilImprimerImprimer Sonia Vernhes Rappaz, doctorante, Université de Genève (Suisse), projet Sinergia (FNS), « La Fabrique des savoirs ». Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de ModificationRéalisé avec Scenari (nouvelle fenêtre)