Les débuts de la colonisation protestante en Irlande (1560-1630)

Les fondements religieux de la colonisation anglaise

Deux communautés catholiques vivent alors en Irlande : les Irlandais, autrement dit les populations qui parlent le gaélique[1] , et les Old English, des descendants des Anglo-Normands qui avaient fait souche dans l'île depuis la fin du XIIe siècle. Ces Old English se confondent avec les Irlandais car ils s'habillent comme eux, au grand dam des nouveaux venus protestants en provenance de Grande-Bretagne.

C'est sous le règne d'Elisabeth Ière que l'Angleterre devient anglicane. L'anglicanisme est un compromis entre le protestantisme et le catholicisme. Si sa liturgie[2] est proche de celle de l'Eglise catholique grâce au maintien d'une hiérarchie épiscopale, plusieurs innovations sont incontestablement protestantes. En 1559, le rétablissement de l'Acte de Suprématie[3] (momentanément aboli par Marie Tudor) fait du souverain anglais le « gouverneur suprême du royaume au spirituel comme au temporel » : l'Eglise d'Angleterre est désormais séparée de Rome. En outre, la confession de foi dite des 39 Articles[4] définit un dogme calviniste. Ce texte, adopté en 1563 par le clergé puis en 1571 par le Parlement, rejette en effet le Purgatoire[5] , les indulgences[6] et le culte des reliques[7] , reconnaît le « salut par la foi » et non « par les œuvres », accepte le dogme de la prédestination[8] et n'admet que deux sacrements[9] : le baptême et la cène. Le Book of Common Prayer (Livre des prières publiques) adopté en 1559 est d'inspiration calviniste.

A partir de la fin du XVIe siècle, les Anglais entreprennent de diffuser la Réforme protestante en Irlande. Dans cette perspective, l'administration élisabéthaine est le principal agent de la prudente anglicisation de l'île. Elle encourage des communautés anglicanes à s'y installer, c'est-à-dire à coloniser, pour renforcer son autorité et contribuer à l'affirmation du protestantisme dans deux de ses principales formes : l'anglicanisme et le presbytérianisme.

Outre les Anglais, les protestants écossais sont en effet nombreux à venir s'installer dans l'île. Sous l'influence de John Knox[10] et du Parlement d'Edimbourg, l'Ecosse a massivement abandonné le catholicisme. Elle se dote d'une Eglise protestante presbytérienne fondée sur un rejet de la hiérarchie ecclésiastique. En août 1560, le Parlement écossais adopte une confession de foi calviniste et, pendant le deuxième semestre de l'année 1560, une commission de six membres institue une Eglise appelée Kirk. Cette Eglise d'Ecosse adopte une organisation presbytéro-synodale[11] calviniste : elle supprime l'épiscopat, s'organise en congregations, des communautés de base encadrées par les ministres du culte, les diacres et les anciens et elle met en place une hiérarchie de synodes[12] élus placés sous l'autorité d'une Assemblée générale. A partir du début du XVIIe siècle, des presbytériens écossais migrent en Irlande, non seulement pour y trouver des terres, mais aussi pour y diffuser leur foi.

  1. Gaélique

    Le gaélique irlandais est le vieil irlandais. C’est l’une des trois langues gaéliques avec le gaélique écossais et le mannois (langue de l’île de Man). Ce sont des langues celtiques distinctes des langues britanniques (breton, gallois, cornique).

  2. Liturgie

    Culte public et office institué par une Eglise. La liturgie anglicane supprime le latin et le culte de la Vierge et des saints, mais elle maintient des objets (cierges) et des vêtements liturgiques. Elle instaure la communion sous les deux espèces (pain et vin).

  3. Acte de Suprématie

    Loi qui fait du souverain anglais le chef de l’Eglise anglicane. Voté une première fois en 1534, il est abrogé en 1554 par Marie Tudor, qui est catholique et règne entre 1553 et 1558, puis rétabli en 1559 par Elisabeth Ière.

  4. 39 Articles

    Les 39 Articles sont la profession de foi de l’Eglise anglicane adoptée en 1563 par la Convocation (synode de Canterbury) puis en 1571 par le Parlement.

  5. Purgatoire

    Dans la théologie catholique, il s’agit à la fois d’un lieu et d’un temps de purification où, après leur mort, séjournent temporairement les fidèles qui ne méritent pas l’enfer. Les contours conceptuels du Purgatoire sont fixés entre 1170/1180 et la fin du XIIIe siècle, ils sont en partie remis en question au XIXe siècle.

  6. Indulgences

    Pour les catholiques, il s’agit d’une rémission partielle ou totale des peines temporelles encourues par le fidèle à cause des péchés qu’il a commis. L’indulgence abrège le temps passé au Purgatoire.

  7. Culte des reliques

    Le concile de Trente (1545-1563) encouragea le culte des reliques en recommandant les pèlerinages dans les sanctuaires abritant des corps de saints ou des reliques de la vie de Jésus-Christ ou de la Vierge (Lorette).

  8. Prédestination

    Doctrine chrétienne, marquant une partie du protestantisme, selon laquelle Dieu a élu certains pour les conduire au salut et voué les autres à la damnation sans tenir compte de leur action propre.

  9. Sacrements

    Signe sensible pour les chrétiens qui évoque, sous le mode du symbole et à l’aide de gestes et de paroles, une réalité spirituelle non représentable autrement.

  10. John Knox (1505-1572)

    Ancien prêtre écossais qui, après être passé à la Réforme, introduit en Ecosse un calvinisme strict à partir de 1559.

  11. Presbytéro-synodale

    Les Eglises calvinistes sont presbytéro-synodales car leur organisation repose sur les anciens (presbytres) des consistoires et les synodes régionaux et nationaux.

  12. Synodes

    Dans les Eglises calvinistes, les synodes, régionaux et nationaux, sont des assemblées où siègent des pasteurs et des anciens délégués par les consistoires.

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AccueilAccueilImprimerImprimer François Brizay, Maître de conférences à l'Université d'Angers (France). Réalisé avec Scenari (nouvelle fenêtre)