Introduction
Contrairement à ce que pourrait laisser supposer le titre de ce cours, je ne souhaite pas aborder l'histoire des mystiques du XIXe siècle à partir des grilles d'analyses psychiatriques ou psychanalytiques, et encore moins exclure les femmes mystiques elles-mêmes de cette histoire, mais je propose dans une démarche d'histoire sociale, de saisir comment la mystique est travaillée par l'émergence de nouveaux savoirs et de quelle manière elle se trouve plongée au cœur de nouveaux enjeux de pouvoirs.
La période contemporaine introduit en effet de nouveaux acteurs dans cette histoire : la psychiatrie[1], la psychologie[2], la psychanalyse[3], toutes trois nées lors d'un grand XIXe siècle, portent de nouveaux discours sur ces phénomènes sociaux traditionnellement pensés dans les cercles religieux. Gardons nous des représentations trop binaires, ces différentes approches médicales, psychologiques, religieuses sont loin d'être toujours exclusives.
Le point d'observation privilégié sera celui des phénomènes de stigmatisation[4] qui se multiplient à la fin du XIXe siècle et suscitent de nombreuses controverses. Dans ce contexte particulier, le fait mystique ne peut pas être pensé uniquement dans sa dimension d'expérience individuelle mais aussi comme un fait politique et médiatique, produit dans un moment de crise. En cela il présente de nombreux points communs avec d'autres phénomènes sociaux étudiés dans le cadre de ce cours collectif, qu'il s'agisse du soufisme Marocain[5] ou du prophétisme protestant[6] de l'époque moderne.