Un art à la jointure des traditions syriaque, byzantine et franque
La petite localité, du nom d'un dieu syrien Hâdidât, ou « lieu de nouvelles demeures », est située à environ 540m d'altitude au nord-est de la ville de Jbeil. Cette élévation se place comme une ligne de rencontre entre les habitants locaux et les Croisés au cours de XIIe et XIIIe siècles. L'historien Claude Cahen disait des maronites, établis dans les parties septentrionales du royaume de Jérusalem et dans le comté de Tripoli à l'époque médiévale, que ces « paysans semi-montagnards » étaient séparés de Rome et de Constantinople, et tenus à l'écart par les autres chrétiens comme par les musulmans du Proche-Orient. Il ajoutait qu'ils s'épanouirent dans la rencontre avec les Francs qu'ils initièrent aux usages et institutions syriens et dont ils acceptèrent, à la fin du XIIe siècle, la suprématie ecclésiastique romaine. Guillaume, évêque latin de Tyr , livre un témoignage de cette bonne relation et du changement radical opéré chez ces « Syriens habitant dans la province de Phénicie » par les traditions venues de Rome, en faisant des maronites une communauté de chrétiens qui acceptent de réintégrer l'unité de l'Eglise catholique. Au sein de cet espace d'échange et de liberté commerciale, les marchands Pisans et Génois jouissent de leur coopération.
Dans la région de Jbeïl, l'architecture des chapelles et des églises présente des aspects originaux qui résultent du brassage de diverses influences. Elle reflète d'abord les idées et les traditions d'une communauté locale. En effet, la plupart de ces monuments sont construits avec du matériel de réemploi, sur les vestiges de temples païens ou en pierres de taille locales à facture grossière. Dans l'église Mâr Charbel à Ma‘âd, par exemple, la pierre qu'emploient les Croisés est celle que les populations locales nomment maleki[1] . Ces édifices conservent, dans leurs structures actuelles, des inscriptions et des éléments architectoniques anciens.
Pour la communauté maronite, la construction des chapelles dans cette région vise à démontrer qu'elle existe, d'où l'adoption d'une forme géométrique pure et dépouillée, « qui se dissout dans la nature pour séduire notre sensibilité, plutôt que notre intelligence constructive » (Alexis Moukarzel), intégrée au sol, d'un plan architectural simple et d'un programme iconographique au style local. C'est une construction faite pour durer. Les variations dans la structure des éléments architectoniques (fenêtres, portes, mur aveugle, porche d'entrée, voûte en berceau) témoignent d'un syncrétisme stylistique, avec des traits identificatoires spécifiques :
Simplicité des plans : forme volumétrique rectangulaire à traits géométriques nets, monolithe, orientée vers la région d'où vient la lumière.
Epaisseur des murs.
Présence d'un porche voûté sensiblement carré, couvert d'une voûte d'arêtes et d'une terrasse, élevé en prolongement de la nef, sur la façade occidentale.
Continuité de l'abside dans l'épaisseur du mur oriental ou dans un volume saillant.
Analogie entre les ouvertures des chapelles et les ouvertures des maisons vernaculaires (forme, dimension,...).
Austérité de la décoration interne.
Toit plat à terrasse.
Voûte en berceau ou berceau brisé ou en voûtes croisées (mononef, deux nefs ou trois nefs, plan basilical) de dimensions réduites.
La maison du saint est concrétisée par une surévaluation qui la sépare de la nef.
Le Saint des Saints est toujours semi-circulaire, surmontée d'une conque bordée par une corniche en saillie.
Pas d'éléments décoratifs.
Programme pictural sur les murs.
Absence des fenêtres, sauf une ouverture au-dessus de l'arc triomphal.
Appareil généralement dressé avec grand soin et assemblé avec précision.