L'interdit aniconique au défi des pressions extérieures à l'époque du Second Temple
Lorsque le Temple est reconstruit, à la fin du VIe siècle avant l'ère chrétienne, la statue semble avoir été remplacée par une menorah[1] . C'est, selon le Livre de Jérémie (Jr 3.16-17), la cité de Jérusalem elle-même qui devient le trône de Yhwh. Les souverains de l'Empire perse (539-332), qui s'étend de l'Asie mineure à l'Asie centrale, n'interviennent guère dans les cultes des populations sous leur domination. En revanche, les dynasties grecques qui se partagent l'empire d'Alexandre le Grand[2] , après 323, exercent une pression forte et directe.
Le Levant sud passe de la domination des Ptolémées[3] (305-198) à celle des Séleucides[4] (198-141). Ce nouveau cadre politico-religieux donne à l'interdit aniconique contenu dans la Thora une portée renouvelée. Dans la civilisation grecque puis gréco-romaine, la culture iconographique repose sur le primat de la figure humaine. Les souverains instaurent un culte royal en lien avec une idéologie qui leur permet d'affirmer leurs prétentions face à leurs rivaux. Cette politique suppose le recours à un abondant programme iconographique, en particulier à des statues.
Certains Juifs sont tentés par l'hellénisme, c'est-à-dire l'adoption de la langue grecque, ainsi que de mœurs et coutumes nouvelles, y compris en matière cultuelle, tandis que d'autres s'y opposent farouchement. Sur fond de luttes entre clans juifs rivaux, le roi Antiochos IV[5] , en 168, promulgue un « édit de persécution », qui consacre notamment le Temple de Jérusalem à Zeus Olympien[6] . Cette décision suppose l'érection d'une statue de ce dernier dans le debir. En réaction, des Juifs se soulèvent. Issue de la révolte des Macchabées[7] , la dynastie hasmonéenne parvient progressivement à s'affranchir de la tutelle des Séleucides et à se tailler un royaume qui s'étend à la majeure partie du Levant sud. Mais elle éprouve des difficultés à légitimer son pouvoir. Les Macchabées consacrent à nouveau le Temple à l'Éternel par une hanoukka[8] , ce qui passe notamment par le retrait de la statue de la divinité grecque. Le rejet de l'hellénisme, à l'origine de leur ascension, constitue le socle de leur pouvoir. Auprès de leur propre peuple, ils doivent faire montre de leur piété juive, ce qui suppose un respect sans faille de l'interdit aniconique. Ils conçoivent un programme iconographique original, qui se manifeste par exemple sur leurs monnaies. En lieu et place du portrait des souverains, pratique commune à l'époque hellénistique, ils y font graver des objets qui font sens dans les milieux juifs (grenade[9] ) et grecs (aplustre[10] ) ou pour tous les habitants de la région (palme).
La question redevient sensible lorsque l'influence romaine s'exerce de manière plus pressente. Pompée[11] intervient militairement en 63 avant l'ère chrétienne. Puis le royaume est annexé en l'an 6 de l'ère chrétienne. Il devient une province romaine, à l'exception d'une période d'indépendance factice entre 41 et 44. C'est alors par le culte impérial[12] que s'exprime la fidélité à l'empereur. Les Juifs de la province résistent à cette pression. L'ossuaire[13] de la petite-fille du grand-prêtre Caïphe[14] , qui officie sous Tibère[15] , illustre le profond respect de l'interdit aniconique : uniquement orné de motifs juifs très en vogue à cette époque, il ne comporte aucune représentation figurée et encore moins païenne . Et, lorsque Caligula[16] tente de placer une statue le représentant lui-même à l'intérieur du debir, son projet provoque un tumulte si fort qu'il doit y renoncer.
Monnaies hasmonéennes. John Hyrcanus (Yehohanan 135-104 B.C.) | Monnaies hasmonéennes. John Hyrcanus (Yehohanan 135-104 B.C.) | Monnaies hasmonéennes. Alexander Jannaeus (103-76 B.C.) |
Monnaies hasmonéennes. Alexander Jannaeus (103-76 B.C.) | Monnaies hasmonéennes. Alexander Jannaeus (103-76 B.C.) | Monnaies hasmonéennes. Alexander Jannaeus (103-76 B.C.) |
Monnaies hasmonéennes. Alexander Jannaeus (103-76 B.C.) | Monnaies hasmonéennes. Mattathias Antigonos (40-37 B.C.) | Monnaies hasmonéennes. Mattathias Antigonos (40-37 B.C.) |