Le temple du prince saint Echmoun. Sanctuaire purificateur de Bostan Ech-Cheikh, près de Sidon

Echmoun en son contexte

Echmoun dieu poliade, est le principal sauveur et guérisseur de Sidon. Le temple de Bostan al-Cheikh conserve ses pierres de fondation et reste le principal monument phénicien du Liban. Il se situe à un peu plus d'1 km au nord de la ville actuelle de Saïda, sur la rive gauche du fleuve al-Awwali, l'ancien Bostrenus. Ce dernier, hellénisé, est surnommé Asclepios Fluvius[1]. L'endroit tire son nom de « Bostan ech-Cheikh » des bosquets qui l'entourent, connus comme les bosquets d'Asclépios. Le temple est édifié à flanc de colline sur un podium établi au centre de l'ensemble antique. Les Sidoniens visitent ce lieu de pèlerinage pour se faire oindre par l'huile sacrée et plonger dans l'eau bénite. Echmoun, parèdre de la déesse Astarté, est le principal dieu parmi la triade vénérée : Baal[2], Astarté[3] et Echmoun. Notons qu'il existe un autre temple d'Echmoun, urbain, se trouvant à Sidon même sous l'appellation de « Baal de Sidon ».

Les ruines, incontestablement phéniciennes, présentent une apparente complexité due à la superposition de construction d'époques diverses. La construction du temple primitif débute vers la fin du VIIe siècle av. J.-C., période où Sidon, sous la domination politique et culturelle de Babylone, tient une position prépondérante dans le monde phénicien. Ce temple est un massif pyramidal ressemblant à une ziggourat[4] avec une réserve d'eau. Il n'en reste qu'une courte volée de marches et un mur. Au VIe siècle av. J.-C., le temple subit des travaux d'agrandissement. Il supporte un sanctuaire qui reste en usage jusqu'au milieu du IVe siècle av. J.-C. Ce grand massif de maçonnerie en très gros bloc est le socle monumental sur lequel devait être construit le temple, tout en marbre.

Vue du temple d'Echmoun

Les inscriptions, trouvées sur le sarcophage anthropoïde du roi Echmounazor II[5], montrent que la première implantation remonte à ce roi et à sa mère Amashtart[6]. Elles indiquent que le site est établi à proximité d'une grotte où coule une source d'eau « Ydlal », qui jaillit de la montagne et, selon un ingénieux système de canalisation, alimente des bassins jusqu'au temple. Ceux-ci servent aux ablutions rituelles ou à l'immersion des malades. Certains historiens attestent qu'il s'agit d'un des premiers centres hospitaliers du monde.

Sarcophage d'Echmounazor, Magharat Tabloun, Ve siècle av. J.-C., Amphibolite, Paris, Musée du Louvre, Département des Antiquités Orientales.

Une vingtaine d'inscriptions gravées sur des blocs de pierre attestent que le roi des Sidoniens Bodachart[7], descendant d'Eshmounazor Ier[8], construit ce temple à son dieu Echmoun, au VIe siècle av. J.-C. En fait, une dizaine d'exemplaires comporte le seul nom du roi Bodachart et sur les autres inscriptions celui du prince héritier Yatnmilk[9] est associé. Bodachart a seulement construit une partie du massif de fondation de ce temple, qui correspond environ au tiers du grand podium, toute la masse plus au sud étant l'œuvre de Echmounazar II qui porte, comme tous les rois Echmounazar, le titre « prêtre de Ashtart ». Au Ve siècle av. J.-C., un podium de magnificence, quadrangulaire, destiné à mettre en valeur le temple du dieu Echmoun, est ajouté à l'ensemble du sanctuaire. Il forme à lui seul un massif de 70×50 m adossé contre la montagne et s'élève à une hauteur de 22 m. Il se rapproche des temples de Persépolis, capitale des Achéménides[10]. Une cella[12], abrite un naos[13] à plan carré où s'adossent un chapiteau achéménide de caractère hellénistique ancien formé de 4 protomes de taureaux en marbre dos à dos et deux par deux ; ils sont des images du dieu Hadad[11]. Il sert d'autel élevé dans la cour du temple à l'époque hellénistique. Huit ostraca[14] phéniciens datent de la période achéménide, début Ve-fin IVe siècle av. J.-C.

Dédicace du roi sidonien Bodashart,  474 - 455 avant J.-C. , Bostan esh- Sheikh, près de Saïda, ancienne Sidon (Liban), Calcaire, l. : 88 cm. ; L. : 53 cm. ; Pr. : 18 cm, Musée du Louvre.
Bloc de pierre gravée d'une inscription en phénicien © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux

Pendant la période hellénistique de nouvelles constructions sont dressées. On cite le bâtiment des frises situé au pied du haut podium représentant des reliefs de processions d'enfants, et la chapelle d'Astarté avec un bassin décoré d'une frise dans lequel se trouve un trône vide. Les Grecs cherchent à helléniser le culte d'Echmoun, mais le sanctuaire garde sa fonction curative. A l'époque romaine, un escalier monumental orné de mosaïques, un autel cubique et des salles de banquets sont construits. Des colonnes en marbre ceinturent de nouvelles voies. Un nymphée, dont le plancher est recouvert par une mosaïque représentant une ménade[15] ivre versant le contenu de sa coupe dans la gueule d'une panthère, communique avec une série de bassins avec des niches contenant dans le passé des statues des nymphes[16]. En face du nymphée[17], se trouvent les ruines d'une villa romaine dont la cour renferme une mosaïque représentant les 4 saisons. De l'époque byzantine, dans la partie ouest du sanctuaire, restent les fondations d'une église qui marque la fin d'une tradition cultuelle. Ces constructions successives manifestent l'importance pluriséculaire du site.

  1. Asclepios Fluvius

    Nom donné au fleuve Bostrenus par Plaisance au VIe siècle. Il est situé à proximité du temple d'Echmoun, il sépare le Mont Liban du Sud-Liban et se jette dans la mer Méditerranée à Sidon (actuelle Saïda). Ses eaux sont utilisées pour le culte et la vie quotidienne.

  2. Baal

    Terme sémitique signifiant « le maître » ou « le seigneur ». Le nom de ce dieu principal est appliqué à un grand nombre de divinités. Frère et époux d'Anath, Maître par excellence, il est le dieu des forces atmosphériques et de la fertilité, celui qui amène la pluie fertilisante et la foudre destructrice. Il est le maître des orages, des tempêtes et protecteur des marins. Il a pour voix le tonnerre et pour flèches les éclairs. Baal est généralement représenté armé d'une lance, et la tête ceinturée d'une couronne de rayons figurant le soleil.

  3. Astarté

    Principale divinité du panthéon phénicien et déesse de toute la Phénicie. Elle est assimilée à Aphrodite/Allat/Athéna/Ashtart/Ishtar/Ashtoreth /Aţtart/ Athtart/ Atirat/ Astartu Astronoë... Déesse de l'amour et de la fécondité et même de la guerre ou de la chasse, elle est aussi déesse céleste, astrale et protectrice des cités et de leurs rois. C'est la raison pour laquelle les rois de la cité portent le titre de « prêtres d'Ashtart ». La Bible hébraïque l'évoque comme déesse païenne et lui donne des attaches avec le ciel, la fertilité et l'amour.

  4. Ziggourat

    Édifice religieux mésopotamien, sorte de tour à étages en forme de pyramide. Il est construit par une superposition de plates-formes de dimensions décroissantes. Le sommet porte une chapelle, sa fonction est vraisemblablement d'établir un niveau intermédiaire entre les dieux et les hommes. Le sommet peut aussi servir à l'observation des astres.

  5. Eshmounazor II

    Fils du roi Tabnit, roi des deux Sidon au Ve siècle av. J.-C., durant une période où les Perses dominent. Son sarcophage a été découvert en 1855 à Magharat Tabloun près de Sidon.

  6. Amashtart / Immi-Ashtart

    C'est le nom que porte la mère du roi Eshmounazor, et signifie la prêtresse de d'Ashtart. Dans le sens général il désigne le peuple de la déesse Astarté.

  7. Bodachart

    Petit-fils d'Eshmounazor II, roi de Sidon a l'époque perse.

  8. Eshmounazor Ier

    Roi de Sidon de l'époque perse.

  9. Yatnmilk

    Fils du roi Bodachart.

  10. Achéménides

    Dynastie perse fondée par Cyrus vers 550 av. J.-C. Elle cesse de régner à la mort de Darius III, en 350 av. J.-C. Persépolis et Suse témoignent de son art, mais les Achéménides n'ont laissé que peu de témoignages écrits de leur histoire.

  11. Hadad

    Divinité suprême des Phéniciens et des Syriens. Dieu de la fertilité, de l'orage et de pluie. Il est représenté comme un dieu barbu et identifié par son animal-symbole : le taureau.

  12. Cella

    Le mot cella vient du latin, il signifie une petite chambre. Dans un temple antique, il désigne la salle principale qui est réservée au dieu et aux objets sacrés.

  13. Naos

    Dans l'Égypte pharaonique, le naos est un petit édifice construit à l'intérieur d'un grand abritant la statue du dieu. Dans un temple grec, il désigne la pièce principale où s'élève la statue de la divinité.

  14. Ostraca

    Tessons de poterie brisés qui servent de support à l'écriture.

  15. Ménade

    Les ménades sont considérées comme des femmes possédées, connues pour leur grande force physique. Elles forment le cortège de Dionysos. Elles sont aussi surnommées les thyiades ou les bacchantes. Elles célèbrent le culte du dieu en chantant, en dansant et en jouant des instruments de musique.

  16. Nymphe

    Terme emprunté du latin nympha et du grec numphê, il signifie « jeunes mariées ». Divinités féminines secondaires qui habitent les fleuves, les bois, les sources, les fontaines, les prairies et les montagnes. Bien qu'occupant dans la hiérarchie divine un rang inférieur, elles sont cependant, à l'occasion, admises dans l'Olympe et sont honorées chez les mortels d'un culte religieux. Leurs attributions sont multiples : elles ont le don de prophétie et rendent des oracles ; divinités bienveillantes elles guérissent les malades et veillent sur les fleurs, les prairies et les troupeaux. Généralement bienveillantes, elles peuvent devenir dangereuses pour les mortels, jusqu'à entraîner leur victime au fond des eaux.

  17. Nymphée

    Lieu consacré aux nymphes. Il peut être une grotte naturelle ou artificielle où coule une source. L'édifice est généralement construit autour d'une fontaine, de bassins et décoré de statues, de vases, de portiques... Chez les Romains, ce lieu sert pour la réunion ou le repos.

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