L'émirat des Chéhab (1697-1841). Le mandat de Béchir II (1789-1840)

Références

`Imad

Famille de notables druzes installée au Mont-Liban. Ses membres participent à la bataille d'Ain Dara en 1711 aux côtés des Chehab. Le cheikh Abd al-Salam Imad (mort en 1788) préside le parti yazbaki opposé aux Joumblatt. Le cheikh Khattar collabore avec Omar pacha et dirige l'offensive contre Zahlé en 1860.

Abdallah Carali

Abdallah Carali (1672-1742) est né dans une famille aisée à Alep, ville prospère à l'époque. Il étudie la philosophie auprès de Pierre Toulawi et le droit auprès des jurisconsultes musulmans renommés. Il fonde, avec trois autres compagnons alepins, l'Ordre libanais maronite en 1695. Il en rédige la première règle et un ouvrage de spiritualité appelé La lampe monastique, où il réunit l'expérience et les apophtegmes des grands maîtres spirituels de l'Orient et de l'Occident. Il rédige deux ouvrages de droit adoptés par les maronites comme un code qui les rapproche des musulmans avec qui ils ont à traiter.

Abdallah Pacha

Abdallah pacha d'Acre puis de Sidon (1819-1832) mène une politique fiscale sévère à l'égard du Mont-Liban, il augmente continuellement les impôts et suscite des divisions entre les notables. Il adopte une attitude discriminatoire à l'égard des chrétiens. Capturé par Ibrahim pacha après la chute d'Acre en 1832 et envoyé en Egypte, il est reçu par Mehmet Ali avec tous les honneurs avant de partir à Constantinople.

Abou Nakad

Famille notable druze d'origine arabe de la tribu Taghleb. Les Nakad auraient participé à la conquête du Maghreb et accompagné les Fatimides en Egypte et en Syrie du nord où ils embrassèrent la doctrine druze. Selon certaines sources, ils auraient aussi pris part aux luttes contre les Francs. Avec la dynastie Chéhab, ils deviennent seigneurs (moukataaji) de deux régions : al-Manasif, où se trouve Deir al-Qamar résidence de l'émir, et al-Chahhar. Ils constituent une force médiane qui peut faire pencher la balance du côté des Joumblatti comme des Yazbaki. Ils s'allient à l'émir Youssef dans son combat contre Jazzar Pacha. L'émir Béchir II les affaiblit en premier lieu dans son entreprise de centralisation dès 1797. Ils relèvent la tête après l'exil de l'émir et participent activement aux conflits druzo-maronites des années 1840 en vue de récupérer leurs privilèges.

Aboullamaa, Abillama, Bellama

Famille de notables dont l'origine remonte à la tribu arabe Himyar du Yémen. Une branche émigre vers la région syro-libanaise et domine la province clef du Matn. La bataille d'Ain Dara en 1711 affermit le pouvoir de la dynastie Chehab, et consacre l'ascendance des Aboullama au sein des familles notables en leur permettant de contracter mariage avec les Chehab. Les deux familles commencent à connaître des conversions au christianisme, sous le rite maronite, vers la fin du XVIIIe siècle. A la chute de l'émirat orchestrée par les Ottomans, les Aboullamaa se trouvent propulsés au-devant de la scène pour gouverner le caimacamat. Ils continuent à occuper des postes importants durant le moutasarrifyat et au sein de la République libanaise.

Arslan

Famille druze notable installée dans la région du temps des premiers califes abbassides. Ils portent le titre d'émir et participent activement à la vie politique de l'émirat. Les émirs Arslan occupent le poste de caïmacam : Ahmad (1796-1847) et Amine (1809-1858). D'autres émirs jouent un rôle régional important, dans ou en dehors du Liban contemporain tels que Chakib Arslan (1869-1946), son frère Adel Arslan (1887-1954), Fouad Arslan (1874-1930), Majid Arslan (1908-1983) élu 12 fois député et plusieurs fois ministre notamment de la Défense.

Béchir Joumblatt

Béchir Joumblatt (1775-1825) est l'un des chefs druzes les plus puissants et les plus riches de son temps. L'émir Béchir II l'associe aux rouages de l'administration du Mont-Liban jusqu'en 1823. A partir de cette date, le cheikh choisit un autre camp. L'adversité mène à un conflit armé dont sort vainqueur l'émir. En fuite au Hauran, le cheikh est capturé par le pacha de Damas qui le livre à son homologue Abdallah pacha d'Acre. Celui-ci le fait étrangler sur demande de Mehmet Ali le 11 juin 1825.

Bonaparte

Bonaparte, futur Napoléon Ier (1769-1885), entreprend la « campagne d'Égypte » en vue de briser la domination anglaise en Méditerranée orientale et aux Indes. Cette expédition militaire a des conséquences scientifiques importantes en marquant le début de l'égyptologie mais surtout en éveillant les esprits dans le monde arabe sur les réalités européennes dans les domaines techniques, scientifiques, culturels et politiques.

Butrus Karamé

Butrus Karamé (1774-1851) est issu d'une famille notable d'Emèse, convertie au catholicisme, ayant émigré au Mont-Liban pour échapper aux poursuites des grecs orthodoxes. Butrus Karamé établit des liens avec Nicolas al-Turk qui le rapproche de Béchir II en 1813. Il devient son vizir écouté et s'exile avec lui. Il meurt à Constantinople en 1851. Il laisse un recueil de poèmes.

Dhimmi

Les dhimmi-s désignent, dans la tradition musulmane, les « gens du livre » c'est-à-dire essentiellement les chrétiens et les juifs, qui ont reçu, dans le cadre des structures étatiques dirigées par une autorité musulmane, un statut de reconnaissance et de protection en échange d'une position juridique inférieure à celle des musulmans et une position financière caractérisée par le paiement d'un double impôt : l'impôt de capitation (jizya) et l'impôt foncier (kharâj).

Elias Eddé

Élias (1741-1828) est né à Eddé dans la province de Byblos. Ce poète sert respectivement les émirs Chéhab Youssef et Béchir II, mais aussi Jazzar pacha qu'il abandonne à cause de sa cruauté. Il laisse un recueil de poésie dont certains morceaux sont édités.

Gerges Baz (1768-1807)

Doté d'une forte personnalité, Gerges Baz parvient à nouer de bonnes relations avec les potentats ottomans locaux, y compris avec Jazzar pacha. Lorsque celui-ci tue l'émir Youssef, Gerges Baz devient le tuteur et le conseiller de ses fils. Après une lutte amère au pouvoir, Baz s'entend avec son rival Béchir II pour se partager le gouvernement du Mont-Liban. Ainsi l'émir règne au Chouf et les fils de l'émir Youssef à Byblos. Baz se réserve la fonction de premier conseiller de l'émir. L'accord déplait à Jazzar et à d'autres rivaux jaloux qui complotent et organisent son assassinat avec son frère Abd al-Ahad en 1807. Les fils de l'émir Youssef endurent des sévices violents : leurs yeux sont crevés, leur langue et leurs doigts sont coupés et ils sont assignés à résidence à Daroun, dans le Kesrouan.

Haidar Chéhab

Haidar Chéhab (1761-1835) laisse une chronique historique en 3 volumes, allant de 622 jusqu'en 1827. Le dernier volume est consacré à sa dynastie. Cette chronique importante est une œuvre collective à laquelle Haidar donne la forme définitive. Instruit et informé des réalités politiques européennes, notamment de la révolution française, Haidar ne s'intéresse cependant guère à la politique.

Ibrahim pacha

Ibrahim pacha (1789-1848) est le fils adoptif de Mehmet Ali. Après avoir conquis la région (1830-1831), il la gouverne jusqu'en 1840. Ses victoires successives sur l'armée ottomane l'amènent aux portes de Constantinople et provoquent l'intervention des grandes puissances pour sauver l'Empire d'un effondrement imminent. Clément et tolérant au départ, le régime égyptien finit par indisposer la population qui se révolte contre les taxes excessives et la conscription. La quadruple alliance formée par l'Angleterre, l'Autriche, la Prusse et la Russie, profite du soulèvement des montagnards pour expulser Ibrahim pacha. Il fait une tournée en France et meurt avant de pouvoir succéder à son père.

Jazzar pacha

Ahmad pacha, surnommé Jazzar pacha ou Djezzar Ahmed pacha (1722-1804) : D'origine bosniaque, il s'engage comme soldat de fortune à Constantinople à l'âge de 16 ans. Il se rattache aux services d'Ali Bey en Egypte et se compromet dans les intrigues des Mameluks. Il fuit à Constantinople, puis s'installe à Beyrouth et la défend contre les Russes en 1772-1773 avant d'y imposer son autorité et de chasser ses maîtres les Chehab. La Porte le désigne pacha d'Acre en 1787, mais il brigue et obtient plusieurs fois le vilayet de Damas. Ainsi, il resserre l'étau contre le Mont-Liban et le soumet à une fiscalité onéreuse. Il impose un monopole aux Echelles et ruine presque le commerce français bien avant la campagne de Bonaparte en Egypte. La mort du « tyran » lui vaut le sobriquet du « boucher-djezzar » et cause un grand soulagement parmi la population.

Joumblatti

Famille de notables d'origine kurde qui essaye de se rendre autonome à Killis et à Alep. Certains descendants s'installent au Mont-Liban au XVIIe siècle, adoptent la croyance druze et se mêlent aux luttes de pouvoir déclarées sous les Maan. Le cheikh Ali (1690-1778), chef spirituel et politique, assoie l'autorité de la famille, acquiert une notoriété régionale et participe aux dissensions de la famille Chehab. Il soutient en 1760 l'émir gouverneur Mansour contre son corégent Ahmad, puis il le discrédite et pousse au pouvoir l'émir Youssef fils de l'émir Melhem. Il aide l'émir Youssef pour arrêter la poussée de Dahir al-Umar vers le Mont-Liban en connivence avec ses coreligionnaires chiites, puis il se laisse gagner par Jazzar pacha et s'oppose à l'émir. Le cheikh Ali meurt en 1778, son fils Béchir le remplace. Cheikh Béchir aide Béchir II à accéder au pouvoir et tient la haute main sur les affaires de la Montagne jusqu'en 1823. A ce moment, le cheikh essaye d'évincer l'émir et une lutte acharnée se déclare entre les deux hommes qui se termine par la défaite et la mort du cheikh Béchir à Acre en 1825. Les Joumblatt conservent leur influence durant la période de troubles qui suit la chute de l'émirat en 1840. Le cheikh Said acquiert un prestige supérieur au caïmacam Arslan. Impliqué dans les évènements de 1860, il meurt en prison en 1861. Son fils Nassib (1855-1922) dispute le caimacamat du Chouf aux Arslan. Le prestige de cette maison se perpétue dans l'Etat du Liban avec Madame Nazirah (1890-1951), Kamal Bey (1917-1977) fondateur du Parti socialiste progressiste et son fils Walid Bey.

Mahmud II (1785-1808-1839)

Trentième sultan ottoman, il signe le traité de Bucarest avec les Russes en 1812, repousse les wahhabites entre 1811-1819 et entrave le soulèvement des Grecs entre 1820 et 1826 grâce à l'appui de Mehmet Ali. Il détruit le corps des janissaires à la suite d'une rébellion à Constantinople en 1826 et inaugure une période des réformes (tanzimat). En 1830-1831, il ne parvient cependant pas à repousser les conquêtes française en Afrique du Nord et égyptienne en Méditerranée orientale.

Mehmet Ali

Mehmet Ali (1769-1849), d'origine albanaise, fonde une dynastie de khédives qui gouvernent l'Egypte entre 1805 et 1952. Après avoir écrasé les Mamelouks, il tente d'introduire des réformes dans tous les secteurs. Il coopère avec le sultan ottoman dans ses luttes contre les wahhabites et les indépendantistes grecs. Il domine la Palestine et la Syrie entre 1832-1840 croyant pouvoir compenser ses pertes en Grèce et ériger un royaume arabe. Cette entreprise lui attire l'hostilité ouverte du sultan. Celui-ci profite de l'insurrection de 1840 et de l'appui des puissances européennes signataires du traité de Londres le 15 juillet 1840 pour le chasser des domaines conquis, en lui accordant toutefois un titre héréditaire sur l'Egypte.

Nassif al-Yazigi (1800-1871)

Né à Kfarchima, poète, écrivain, il a étudié la médecine et la musique. Il commence à composer des poèmes à l'âge de 10 ans. Il entre au service de l'émir Béchir II et demeure 12 ans comme secrétaire et conseiller. Il est parmi les membres fondateurs de la Société syrienne pour la promotion des lettres et sciences. Il correspond avec les orientalistes dont Sylvestre de Sacy. Il laisse une œuvre colossale, et est considéré comme l'un des pionniers de la « Renaissance des lettres arabes » au XIXe siècle, la Nahda.

Nicolas al-Turk

Nicolas al-Turk (1763-1828) a un père originaire de Constantinople installé à Deir al-Qamar. Nicolas entre au service de Béchir II, accomplit plusieurs missions en Égypte, notamment lors de la campagne de Bonaparte. Il laisse deux livres d'histoire dont le premier concerne Bonaparte. Desgranges en traduit la moitié en français, l'autre moitié demeure inédite. L'histoire de Jazzar Pacha n'a, quant à elle, jamais été éditée. Il laisse aussi un recueil de poésie, édité un siècle et demi plus tard. Ce recueil répercute quelques moments de la vie de la Cour et des missions importantes assumées par le poète-conseiller et ambassadeur.

Qaysi et Yamani

Désignent les deux partis qui divisent respectivement les tribus arabes du nord et du sud de la péninsule arabique. Cette division bipartite demeure vivace jusqu'au XIXe siècle. Au Mont-Liban, les Maan et les Chehab, leurs successeurs, appartiennent au parti qaysi et semblent l'emporter durant toute la période ottomane. Ils écrasent définitivement les Yamani à la bataille d'Ain Dâra en 1711. Leur coalition, comme celle de leurs adversaires d'ailleurs, regroupe des familles affiliées de toute obédience religieuse : musulmans sunnites, chiites et druzes, ou chrétiens maronites, melkites orthodoxes et catholiques.

Quraysh, Qoreich ou Koreich

Cette tribu arabe prestigieuse appartient au groupe des Arabes du nord, elle se ramifie en plusieurs clans et coalise autour d'elle de nombreuses autres tribus. Sa puissance se manifeste par le contrôle de La Mecque, la domination des routes caravanières du Nejd et de Taef et le monopole du commerce qui transite par le Hedjaz entre l'Océan indien et la Méditerranée. Elle donne naissance au prophète de l'islam et détient le califat jusqu'à l'émergence des puissantes dynasties musulmanes non arabes.

Richard Wood

Richard Wood (1806-1900) mène une carrière diplomatique à Constantinople, Damas et Tunis avant de se retirer en 1865. Bon connaisseur de la région depuis 1832-1833, et ayant appris l'arabe au milieu des années trente, il est l'instigateur du soulèvement contre Mehmet Ali au Liban en 1840. Il exerce une action décisive en faveur de Zahlé en 1841 et conserve une image de « fin diplomate » dans l'imaginaire collectif libanais. Eu égard à son catholicisme, Palmerston refuse de le désigner consul général à Beyrouth, et le nomme consul à Damas. Il laisse une immense correspondance diplomatique (partiellement publiée) concernant son expérience.

Sidney Smith

Sidney Smith (1764-1840) combat presque toute sa carrière contre la marine française et empêche Bonaparte de prendre Acre. Il agit également en diplomate, par l'intermédiaire de son frère désigné ambassadeur d'Angleterre à Constantinople, pour prévenir tout rapprochement entre la France et l'Empire ottoman. Il soutient Béchir II et contribue à lui restituer le pouvoir après son exil en Egypte. Il se retire à Paris et y meurt.

Soliman pacha

Soliman pacha (1810-1818) succède à Jazzar Pacha comme vali de Sidon, se rallie à Béchir II et tente avec lui de contrôler le vilayet de Damas. Les chroniques de l'époque soulignent son attachement à la justice.

Wahhabite

Le wahhabisme est un mouvement politico-religieux soutenu par Muhammad Ibn Abd al-Wahhâb (1703-1792). Né dans le Nejd, Abd al-Wahhâb voyage en Iran, en Mésopotamie et se fixe en Arabie où il prêche et compose un livre intitulé « Traité de l'Unité divine » Kitâb al-Tawhid. Son activité heurte la population chiite. En 1747, il conclut avec Muhammad Ibn Saoud, chef de tribu, un pacte selon lequel l'émir et le savant s'engagent à faire régner la « parole de Dieu », c'est-à-dire l'application intégrale des dispositions de la loi (charia). Le wahhabisme vise à construire un Etat fondé sur un islam primitif épuré de tout ce qui a été pensé et vécu par la suite. L'émir Abdul Aziz Seoud entreprend de réaliser cet Etat. Il lance des attaques dans l'Empire ottoman en 1799, occupe Karbala en 1802, La Mecque et Médine en 1803, et menace Damas en 1811. Le sultan confie alors à Mehmet Ali la charge de combattre le wahhabisme. La campagne de Mehmet Ali en Arabie dure 7 ans et permet à Ibrahim pacha d'occuper Dariya le centre du wahhabisme sans pour autant éradiquer ce courant.

Yazbaki

Joumblati-Yazbaki est une nouvelle division bipartite qui émerge en 1750 et adopte le même modèle d'organisation que celui des qaysi-yamani jusqu'en 1920. Ces groupements cèdent la place à la formation des partis modernes au sein de la République libanaise. Cependant des réminiscences de cette division subsistent.

Youssef

Youssef Chéhab (1770-1789) succède à son oncle Mansour. Il réussit à réunir la partie septentrionale et méridionale du Mont-Liban. Son mandat connaît beaucoup de troubles à cause des prodromes de la « question d'Orient », de l'insubordination des notables comme les Joumblatt, et de la cupidité de Jazzar Pacha. Celui-ci le fait exécuter en mai 1791.

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