Glossaire
- ‘Ammiyya
Ce terme qualifie les mouvements ruraux que connaît le Mont-Liban au XIXe siècle. Le rassemblement des paysans se traduit par des revendications sociales codifiées dans des manifestes prônant la défense de l'intérêt public, si besoin par la force. Ces soulèvements se répètent en 1820-1821, 1840 et 1858-1859.
- Druzes
Adeptes d'une doctrine chiite, dérivée de l'ismaïlisme et dotée de textes de références spécifiques. Ils s'organisent sous le régime des Fatimides, au XIe siècle. L'ésotérisme de l'enseignement s'articule autour du calife al-Hakim identifié à l'intellect universel ou 'aql. Les premiers personnages qui prêchent la nouvelle doctrine sont Anushtegin al Darazi (d'où le terme « druzes »), Turc, et Hamza ibn ‘Ali d'origine perse. La mort du calife en 1021 a pour résultat de faire disparaître d'Egypte le mouvement qui se répand auprès des paysans du mont Hermon. Les druzes constituent une communauté fermée, ayant leurs coutumes propres. La communauté divisée en « sages » (uqqal-s) et en « ignorants », les premiers étant tenus d'observer sept commandements. Les druzes conservent certains éléments du culte musulman, mais ils tiennent des réunions secrètes dans des lieux de culte particuliers. Ils attendent la réapparition d'al-Hakim et de Hamza qui doivent établir la justice en ce monde. Les druzes se développent surtout au Mont-Liban où quelques familles telles que les Tannoukhs-Buhturs s'installent sur les hauteurs de Beyrouth et s'illustrent dans la lutte contre les Francs. Les Maan établissent une réelle dynastie avec l'avènement des Ottomans, agrègent les familles notables telles que les Joumblatt, les Arslan, instituent un émirat au Liban et dans certaines régions limitrophes et associent les chrétiens aux besognes du régime. Sous les Chehab, les familles notables gardent leur pouvoir sur leurs districts devenus mixtes. Le conflit égypto-ottoman et l'ingérence des puissances européennes rompent l'entente entre les druzes et les maronites et amènent la chute de l'émirat en 1840. Une partie de la communauté s'installe au Hauran en Syrie au XIXe siècle et parvient à tenir tête aux Turcs à la veille de la première guerre mondiale et au mandat français entre 1925-1927. Elle donne son nom à la région qui s'appelle Jabal al-Duruz et joue un rôle déterminant à chaque tournant de l'histoire de la Syrie. Une autre communauté se développe en Palestine et pactise avec l'Etat d'Israël où les druzes sont seuls mobilisables parmi les Arabes dans l'armée. Les trois communautés ont leur propre hiérarchie spirituelle avec une reconnaissance de la primauté libanaise et entretiennent entre elles et avec la diaspora une solidarité exemplaire.
- Émirat
L'Émirat désigne le système de gouvernement qu'assurent consécutivement au Mont-Liban les émirs de la dynastie Maan (1516-1696) et ceux de la dynastie Chehab (1697-1842). L'émir gouverneur reçoit l'investiture parfois à vie ou à titre viager soit directement de la Sublime Porte soit par l'intermédiaire des valis de Damas ou de Sidon après 1660. L'émir gouverneur associe au pouvoir les chefs des familles notables et son autorité s'étend sur le Mont-Liban, et souvent sur des régions limitrophes. Les Ottomans suppriment le régime de l'émirat en 1842 et le remplacent, avec le consentement des puissances européennes, par le caimacamat.
- Grecs Melkites
L'Eglise grecque melkite se détache du patriarcat grec orthodoxe et se rallie à Rome dans le cadre d'un mouvement d' « uniatisme » favorisé par les missionnaires catholiques au début du XVIIe siècle. Le premier patriarche grec melkite, Cyrille de Damas, est élu en 1724 et obtient le pallium en signe de communion avec l'Église catholique en 1744. Les premiers fidèles appartiennent à des familles riches et cultivées et s'installent au Mont-Liban à l'abri des persécutions suscitées par la hiérarchie orthodoxe. Les émirs Chehab facilitent leur installation et le patriarche Mazloum réussit à obtenir le statut de millet pour sa communauté. Cette reconnaissance permet aux fidèles de se développer dans les pays du Proche-Orient où ils comptent, au début du XXIe siècle, 450.000 membres et autant dans la diaspora. La liturgie est célébrée selon le rite byzantin en langues arabe et grec. Le primat de l'Eglise a son siège à Damas, mais réside au Liban et porte le titre de patriarche d'Antioche et de tout l'Orient des melkites, de Jérusalem et d'Alexandrie. Sa juridiction s'étend à tous les fidèles organisés en paroisses et diocèses. Démographiquement, les grecs melkites forment, dans le Liban contemporain, la troisième communauté chrétienne et sont engagés à tous les échelons du pouvoir.
- Hawali-s
Agents de l'émir chargés de l'impôt pour la Porte.
- Iktaa`
Terme qui désigne un système de rétribution par lequel la couronne concède des terres aux potentats de l'imperium en contrepartie des services, essentiellement militaires. Pratiqué depuis le Bas-Empire, ce procédé passe aux Arabes et connaît des variations. Les Ottomans le réadaptent à leurs besoins de gouvernement et organisent les concessions selon un vaste éventail de domaines. Ce privilège devient progressivement héréditaire, mais le détenteur, en sus du service militaire, doit en acquitter les impôts. L'iktaa` au Mont-Liban qualifie un système complexe ayant des connotations politiques, administratives, fiscales, juridiques et agraires. Ici ce n'est pas le sultan qui dispose de l'iktaa` puisque la terre appartient aux familles des notables, y compris celle de l'émir. Chaque famille possède un ou plusieurs districts, l'administre en donnant du travail aux paysans, établit la justice, lève les impôts et les acquitte vis-à-vis de l'émir. Le notable qui gère le district s'appelle moukataaji et le territoire moukataat. Le fils aîné assume la charge de moukataaji qui se transmet héréditairement dans l'ordre de primogéniture. Ce système constitue les assises de l'émirat du Mont-Liban.
- Maronites
Chrétiens qui se rattachent à Saint Maron situé au IVe-Ve siècles et considéré comme le fondateur et maître spirituel d'un groupe d'ermites établis dans la vallée de l'Oronte. Après sa mort (vers 410) les maronites vécurent dans l'entourage d'un monastère perpétuant son enseignement et son souvenir. Entre 702 et 742, les maronites prennent l'initiative d'élire leur propre patriarche au siège d'Antioche : Jean Maron. Ce moine est considéré comme le véritable fondateur de l'Eglise maronite. Les maronites condamnés par les Byzantins (chalcédoniens) et les Syriaques (monophysites), perdent la protection de Byzance dont les troupes massacrent, selon les traditions maronites, plusieurs centaines de leurs moines. Le patriarche Jean Maron entreprend alors de se réfugier au Mont-Liban. Au XIe siècle, la majorité des maronites est installée dans les vallées montagneuses du nord. A partir du XIIe siècle, l'Église maronite se trouve en pleine communion avec Rome : son patriarche assiste au IVe concile de Latran, en 1215. Ce lien est renforcé par la création, au XVIe siècle, du collège maronite de Rome. A l'époque contemporaine, la communauté maronite agit en faveur de la création de l'Etat du Liban et y exerce un rôle majeur bien qu'affaibli après 1989. Elle bénéficie du soutien d'une forte diaspora.
- Miri
Tribut annuel que versent les gouverneurs des vilayet-s, au trésor central de l'Empire ottoman. Il peut être acquitté en plusieurs versements selon le calendrier fiscal habituel. Le miri du Mont-Liban équivaut à 3500 bourses, mais ce montant connaît des majorations exorbitantes entre 1730 et 1860, reflétant la situation économique difficile de l'Empire ottoman aux prises avec la révolution industrielle.
- Montagne
Le Mont-Liban ou la « Montagne » désigne la chaîne montagneuse qui s'étend des hauteurs de Tripoli au nord jusqu'à la Galilée antique au sud. Sous la domination ottomane et avant la création du vilayet de Sidon en 1660, il était divisé en deux parties séparées par la rivière de Maamaltain. La partie septentrionale relevait du vilayet de Tripoli, la méridionale de Damas. A partir de 1660, le Mont-Liban relève du vilayet de Sidon. L'émir Youssef Chehab réunit les deux parties. Le Mont-Liban connaît sous les Ottomans trois régimes : l'émirat, le caimacamat et le mutasarrifiyya. En 1920, il constitue, avec la ville de Beyrouth et ses environs, le noyau central de l'Etat du Liban.
- Pacha
« Pacha » est un titre honorifique décerné à des dignitaires turcs de rang élevé au sein de l'Empire ottoman. Il se place après le nom, n'est pas héréditaire et devient l'apanage des gouverneurs des provinces et des vizirs de la capitale.
- Vali ou walî
Vali ou walî désigne le gouverneur de la plus grande entité administrative dans l'Empire ottoman, le vilayet. La charge est annuelle au départ, mais elle devient permanente, vénale et parfois même héréditaire. Le vali porte le titre honorifique de pacha, attribué originairement aux vizirs et aux grands fonctionnaires. Le Mont-Liban relève traditionnellement des deux vilayets : Tripoli et Damas. Le vali réside dans la cité principale du vilayet. Sa responsabilité consiste à maintenir l'ordre. Son conseil est composé d'un cadi et d'un inspecteur de finances appelé defterdar.
- Wakil
Délégué d'une autorité, d'une assemblée ou d'une collectivité (généralement un village).