Une décision royale
En 1685, alors qu'il est au faîte de sa puissance politique, le roi Louis XIV[1] signe un édit par lequel il révoque un édit précédent promulgué à Nantes, en 1598, par son grand-père Henri IV[2] . a été déclaré « perpétuel et irrévocable », mais tout le monde sait que cette formule ne garantit rien, dans la mesure où tout monarque est juridiquement habilité à revenir sur les décisions d'un prédécesseur. La révocation de l'édit de Nantes (ou Révocation) a, dès le XVIIIe siècle, été reconnue par beaucoup, y compris par un courant au sein du catholicisme français, comme une catastrophe humaine, économique et politique. Catastrophe humaine, car elle faisait d'une minorité religieuse, les protestants, les victimes d'une normalisation étatique ; catastrophe économique et politique pour la France, car elle jetait dans les bras de ses ennemis européens une population souvent qualifiée. Cette victoire du catholicisme, fidèle allié de la Royauté, est sans doute l'une des causes profondes de l'anticléricalisme français du siècle suivant, à commencer par celui de Voltaire qui faisait profession « d'écraser l'infâme ».
La France compte alors, selon l'historien démographe Pierre Goubert, environ 20 millions d'habitants. D'un point de vue religieux, cette population se décompose entre une immense majorité de près de 19 millions de catholiques et d'un peu plus d'un million de protestants, qu'on appelle aussi huguenots[3] , ou « réformés » puisqu'ils sont les héritiers directs de la Réforme du XVIe siècle. Si l'édit de révocation expulse les ministres (pasteurs), il interdit expressément aux réformés de quitter le territoire du royaume : ce ne sont pourtant pas moins de 150 à 200 000 d'entre eux qui prendront la route de l'exil, soit déjà dans les quelques années qui précèdent la Révocation, soit, surtout, dans les 15 ans qui la suivent. Ce mouvement migratoire (1% de l'ensemble de la population française) est le plus important que l'Europe connaisse au cours du XVIIe siècle.