Religions et gestion de la violence

L'homme, chef de famille

Au-delà de la question des violences et contraintes subies principalement par les femmes, se trouve la problématique de la responsabilité légale au sein de la famille. Toute confession confondue, l'homme est le tuteur unique de ses enfants et également de sa femme.La femme adulte possède le droit de décider du mariage et de s'engager, mais l'homme dont elle dépend (père puis mari) possède l'autorité de l'empêcher de voyager ou d'exercer sa profession. Lors du décès de l'époux, le grand-père paternel et/ou l'oncle paternel prennent ipso facto cette responsabilité. Sans leur autorisation, la veuve ne peut prendre la moindredécision concernant ses enfants mineurs. Certaines responsables religieux expliquent que cette loi vise à « protéger »la femme en lui permettant de refaire sa vie avec une nouvelle personne sans avoir l'embarras d'élever ses propres enfants. Leurs opposants répondent qu'une telle conception prive la mère de ses droits naturels et innés à protéger elle-même ses enfants et sous-estime sa capacité affective et intellectuelle à s'affirmer responsable.

Les femmes sont victimes d'une discrimination sexuelle dans un environnement conservateur, elles ne sont essentiellement reconnues que comme « fille de » ou « épouse de ». Dans le monde arabe, c'est au Liban que le décalage est le plus flagrant entre cet état de subordination, de dépendance sexuée et d'inégalité légale des femmes vis-à-vis des hommes, et le nombre de femmes instruites, occupant des postes de responsabilité professionnelle de haut niveau, dans des domaines aussi différents que la médecine, l'ingénierie ou le droit. Et, si le secteur privé discrimine ouvertement les femmes en matière de salaire, à compétence égale, ce n'est pas le cas du secteur public qui respecte la loi de l'égalité des salaires.

La reconnaissance du mariage civil est perçue par les promoteurs et promotrices de l'égalité entre hommes et femmes, comme une des solutions à saisir. En la matière, le paradoxe du Liban est qu'il ne reconnaît que le mariage confessionnel contracté sur le sol national, mais qu'il reconnaît le mariage civil contracté à l'étranger. Dans ce vide législatif, et profitant de l'existence d'une disposition adoptée lors du mandat français, des citoyennes et citoyens libanais ont demandé de pouvoir se marier civilement au Liban même, en faisant rayer la mention de leur religion dans les registres d'état-civil. Ces quelques cas, apparus au début des années 2010, ont suscité la polémique. En 2013, le président de la République Michel Sleimane s'est lui-même prononcé en faveur de la possibilité du mariage civil, ce qui paraissait être un vœu d'une courte majorité de la population selon une enquête. Un projet de loi, reprenant les termes d'un précédent projet discuté en 1998, fut discuté en Conseil des ministres. Le Premier ministre Naguib Mikati s'y opposa et le mufti de la République, le shaykh Mohammed Rachid Qabbani, décréta que tout dignitaire musulman qui se prononcerait en faveur du mariage civil serait immédiatement déclaré « apostat et hors de la religion musulmane ».

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