Religions et représentation figurée

Introduction

La position des autorités religieuses de la Chrétienté latine[1] face à l'image est hésitante. Elles sont partagées entre le refus complet issu de l'interdit vétéro-testamentaire et l'acceptation professée par Grégoire le Grand[2] à la fin du VIe siècle. Les conséquences de la crise iconoclaste qui déchire le monde byzantin permet aux Latins de définir une position médiane, entre iconoclasme[3] et acceptation complète de l'image dans le culte. Cette position, fixée par les autorités carolingiennes, diffère de celle adoptée par la Chrétienté grecque, contribuant à séparer les pratiques orientales et occidentales. Elle structure, encadre et définit la réflexion autour de l'image, cantonnée dans un rôle secondaire et strictement contrôlée par les autorités religieuses. L'histoire de l'image dans le Moyen Age occidental est finalement celle d'une tension permanente entre acceptation et refus de l'image. Elle débouche paradoxalement sur une relative banalisation, ouvrant la voie à son utilisation dans le culte et la pastorale, et préparant la « décisive révolution de l'image » que Jean-Claude Schmidt situe aux Xe et XIe siècles. A partir des XIIe et XIIIe siècles, la méfiance qui subsistait au sein de l'Eglise romaine vis-à-vis de l'image s'efface progressivement et l'image connaît une diffusion remarquable. Pleinement acceptée, l'image prend alors toute sa place dans le culte du christianisme latin.

  1. Chrétienté latine

    Par ce terme, on comprend l'ensemble des royaumes et territoires qui reconnaissent l'autorité religieuse de l'Eglise de Rome et adopte les rites romains et la langue latine comme langue liturgique. Elle regroupe essentiellement l'ouest du continent européen. Elle se distingue de la Chrétienté grecque, qui se range sous l'autorité conjointe de l'empereur et du patriarche de Constantinople et utilise la langue et les rites grecs. Cette Chrétienté grecque déborde l'Empire byzantin et comprend des Eglises du Proche et du Moyen Orient, des Balkans et, à partir du XIe siècle, de la plaine russe. Cette distinction entre deux Chrétienté s'accroît considérablement à la période qui nous intéresse, et tout particulièrement entre le VIIIe et le XIIe siècle.

  2. Grégoire le Grand (v. 540-604)

    Chrétien né dans une famille sénatoriale de riches patriciens romains, il entre dans la vie religieuse vers 575, après avoir mené une brillante carrière politique. Il devient pape en 590 dans un contexte politique difficile, consécutif à l'invasion de la péninsule italienne par les Lombards. Son œuvre pontificale est considérable, elle marque un tournant. L'envoi en mission d'Augustin de Canterbury, fondateur de l'Eglise d'Angleterre, directement rattachée au Saint Siège, contribue à faire du siège romain une référence dans le monde latin. Eminent théologien, il est l'un des quatre pères de l'Eglise latine occidentale avec Ambroise, Augustin et Jérôme. Il est l'auteur de recueils d'homélies, d'un commentaire du livre de Job devenu un classique au Moyen Age (Expositio in Job ou Moralia in Job) et surtout d'une correspondance riche de 814 lettres réparties en 14 livres (une par année de pontificat), devenue une référence dans le monde latin au Moyen Age.

  3. Iconoclasme

    Mot-à-mot, le fait de briser des images. Le terme désigne de manière générale des manifestations violentes de destructions d'images, particulièrement d'images cultuelles. Dans le monde chrétien, le terme s'oppose à l'adoration des images, parfois considérée comme idolâtre (iconodoulie). Cette opposition entre deux positions extrêmes culmine lors de la crise iconoclaste ou « querelle des images » (717-843). Par ce nom, on désigne une très longue crise qui secoue l'empire byzantin entre 717 et 843.

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