Le phénix comme symbole universel de mort et de renaissance

Une origine phénicienne qui se perd dans les sources grecques anciennes

L'étymologie du mot « phoinix  » reste encore inconnue. Certaines hypothèses font état d'une origine phénicienne même si aucune de ces légendes ne provient de Phénicie et qu'elles ne font aucun lien explicite entre le phénix et les Phéniciens en dehors de celui qui est suggéré par l'étymologie. Il semble que les termes employés par les auteurs grecs, « phoinix  » et ses homonymes, viennent de l'adjectif « phoinos », qui signifie « rouge ». La pourpre est à l'origine de son nom, un roi nommé Phoinix joue un rôle de premier plan dans cette piste d'interprétation. Le terme renvoie à plusieurs sens, en fonction du contexte ou de l'usage grammatical : le substantif désigne la pourpre (inventée par les Phéniciens), le palmier-dattier, le phénix aux ailes rouges, ainsi qu'une sorte de cithare inventée par les Phéniciens ; tandis que l'adjectif signifie «  phénicien ». Le terme renvoie donc à un rapport des Grecs avec la Phénicie et, pour certains auteurs, il est spécifiquement lié à la grande métropole phénicienne de Tyr. Le « phoinix  » apparaît ainsi comme la transposition d'un éponyme sémitique auquel les Grecs rattachent tout ce qu'ils considèrent comme spécifiquement phénicien : l'alphabet, l'instrument de musique et l'expansion maritime. Mais cette hypothèse ne fait aucune allusion au phénix comme étant un oiseau extraordinaire.

Carte de la Phénicie © SA, CERHIO

Les relations entre Tyr et le phénix conçu comme un oiseau fabuleux, sont attestées dans un texte de Nonos de Panopolis[1] qui met le dieu Melqart[2] en rapport avec ce volatile. Il écrit que le Phénix, portant le terme d'une vie et le début naturellement fécond d'une autre vie, se jette dans le feu et se libère de sa vieillesse avant de renaître. D'après ce texte, l'image du Phénix comme symbole solaire, ressuscitant sous l'effet du feu, peut être une allusion à un bûcher où Melqart lui-même subirait le même sort de mort et de résurrection. Mais on ne peut pas facilement soutenir l'hypothèse d'une identification de Melqart avec le Phénix, et ce d'autant qu'aucun texte phénicien relatant le mythe de Melqart ou de cet oiseau n'a encore été découvert.

Les vestiges archéologiques trouvés à Tyr ne donnent pas de renseignements clairs à propos de la légende du Phénix, malgré quelques trouvailles dans lesquelles des oiseaux jouent un certain rôle. Parmi ces découvertes, on peut signaler un petit relief gréco-romain : il s'agit d'un ex-voto sculpté dans un calcaire local qui représente sur la droite un arbre enflammé, avec un serpent enroulé autour de son tronc léché par des flammes, et un petit enfant agenouillé sous les pattes d'un animal qui semble être une biche, d'après l'archéologue Ernest Will, et qui dirige sa tête vers l'endroit où se trouvent les mamelles, selon l'image fréquente de l'enfant «  divin » ou «  héroïque » allaité par une mère animale ; sur la gauche, une femme est étendue sur un lit, appuyant son bras gauche sur des coussins empilés ; un aigle puissant, représenté de face avec les ailes entrouvertes, semble perché sur le dos de la biche. L'examen de ce relief ne permet pas d'identifier cet aigle au phénix. Il faut attendre que de nouvelles fouilles éclairent davantage cette représentation.

Un ex-voto greco-romain - Musée de l'Université américaine à Beyrouth. E.WILL, « Au sanctuaire d'Héraclès à Tyr : l'olivier enflammé », les stèles et les roches ambrosiennes, Berytus Archeological studies, X, 1950 - 51, la planche I.
  1. Nonos de Panopolis (Ve siècle)

    Le poète Nonos, païen converti au christianisme ou chrétien converti au paganisme, est originaire de Panopolis en Haute-Egypte. Il est l'auteur des Dionysiaques, recueil de chants portant sur le dieu grec Dionysos, composé au milieu du siècle. Il est également l'auteur d'une paraphrase de l'Evangile de l'apôtre Jean.

  2. Melqart

    Baal de Tyr, fondateur de la cité et protecteur de ses activités économiques, c'est donc le dieu tutélaire. Son nom signifie « roi (melek) de la cité (qart) ». Il est dieu de la prospérité, de l'industrie et de la navigation. Il est responsable de la survie des hommes, symbolisée par la triple ration vitale de nourriture, de vêtements et d'huile. Chaque année, on célèbre sa renaissance. Il est comme l'image du Soleil. Tous les ans les prêtres font élever un immense bûcher et font échapper un aigle on en son honneur. L'aigle étant le symbole de l'année qui renaît. Le culte de Melqart est célébré non seulement à Tyr, mais aussi dans les colonies phéniciennes. Il est identifié, dans le monde gréco/romain, à Héraclès/Hercule.

PrécédentPrécédentSuivantSuivant
AccueilAccueilImprimerImprimer Marwan Abi Fadel, Université Saint-Esprit de Kaslik (Liban) Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de ModificationRéalisé avec Scenari (nouvelle fenêtre)