Conclusion
Le succès de la doctrine créationniste aux Etats-Unis constitue une énigme pour la plupart des Européens. Peut-être faut-il voir derrière ce succès la volonté de retrouver des racines religieuses que la modernité paraît remettre en question. William J. Bryan peut apparaître ici comme le paradigme de cette position. Il considère que l'Amérique est en danger : l'urbanisation, l'industrialisation, de nouveaux modes de vivre lui paraissent porter atteinte à l'identité traditionnelle et à l'esprit religieux des Etats-Unis (le fameux American way of life). Ainsi, la clé de son opposition à Darwin est peut-être à chercher dans ce sentiment d'une identité menacée. Pour Bryan, la foi protestante traditionnelle, que Darwin lui paraît mettre en danger, appartient à l'identité états-unienne et se confond même avec elle : la Bible a pour lui une valeur non seulement religieuse, mais patriotique. « Nous ne sommes pas un pays païen ! » s'exclame-t-il d'ailleurs lors du procès Scopes.
Les controverses provoquées par les théories de Darwin concernent bien sûr l'épistémologie. Mais elles intéressent aussi, dans la mesure où elles touchent l'identité que leurs acteurs défendent, la sociologie, voire la psychologie sociale.
