Sciences et religions à l'époque contemporaine XIXe - XXe siècles

Définir le « cadre islamique » de la technologie et de la science : un exemple dans le domaine de la médecine

Les promoteurs de l'école de « l'islamisation de la connaissance » considèrent que dans le « contexte occidental », la science et la technologie sont des moyens de « conquête », de « domination » de l'univers et de l'humain. Ils citent différents auteurs européens ou nord-américains ayant expliqué que le progrès scientifique et technique a conduit à un désenchantement du monde en même temps que s'est mondialisée une vision « matérialiste » du progrès fondée sur le revenu et la richesse. Ils appellent à reconnaître le fait que tout ce qui est dans l'univers a reçu une part de « valeur », d' « honneur », de « dignité » et été doté d'une « finalité », en se référant à un verset coranique : « Seigneur ! Ce n'est pas en vain que Tu as créé tout cela ! Gloire à Toi ! » (Coran, 3/191). De ce fait, toutes les activités humaines doivent être encadrées, liées aux « valeurs » (spirituelles et morales) et aux « finalités » et mises au service de l'humain dans sa globalité, dans le monde comme dans « l'Au-delà ».

Dans sa démarche alternative, cette école essaie de donner une signification plus globale au concept de « progrès » en intégrant des éléments tant matériels qu'immatériels. Elle fait référence à la notion de « besoins humains » en lien avec al-maqâsid al-sharî‘a[1]. Elle en donne une lecture renouvelée pour les temps contemporains : la liberté de culte et de croyance (dîn), la préservation de la famille (nasl), la préservation des droits humains (nafs), le développement des capacités mentales et intellectuelles (al-‘aql), et du développement économique (mâl). Ces finalités, précise-t-elle, impose de voir les humains comme étant des « califes » ou « vice-gérants de Dieu » et les sciences comment une seule et même entité où la complémentarité est privilégiée par rapport à la fragmentation. L'approche se veut conforme à une vision fondée sur la foi en l'unicité de Dieu (tawhid) et à une présentation de l'humain comme un monde très complexe où s'affronte plusieurs dimensions (existentielle, morale, politique, économique...).

Depuis les années 1980, des congrès regroupent des savants-juristes spécialistes du fiqh et des médecins pour débattre de problématiques nouvelles (nawâzil) telles que le don d'organes, la transplantation ou la mort cérébrale. Un consensus général a été cherché à partir du principe suivant : « Mettre fin à un préjudice se fait selon les possibilités ». A la lumière de cette règle, le Conseil de l'Académie Islamique de Fiqh à La Mecque, lié à la Ligue islamique mondiale, et l'Académie du Fiqh islamique international à Djeddah ont autorisé le don et la transplantation d'organes pour un humain en situation de besoin (al-hâja), étant entendu que ce don ne doit causer de tort ni au donateur, ni à ceux qui ont des droits sur ce dernier (femme et enfants par exemple). Des conditions visent à encadrer cette pratique, par exemple l'interdiction de toute transaction commerciale en la matière. Une exception a été faite pour certains organes sexuels comme le pénis et la vulve et pour les « glandes génitales » dont la greffe est strictement interdite car elles sont « porteuses de caractères héréditaires qui se transmettent de pères en fils », leur transplantation entraînerait « le mélange de filiations que l'Islam ne cesse de combattre ».

  1. Maqâsid sharî‘a

    droits fondamentaux définis de la manière suivante par le savant Ghazâlî, au XIe siècle : « Le but de la –sharî‘a est la promotion du bien-être des gens, qui consiste à préserver leur foi (dîn), leur âme (nafs), leur intellect (al-‘aql), leur progéniture (nasl) et leurs biens (mâl). Tout ce qui garantit la préservation de ces cinq intérêts est souhaitable, et tout ce qui leur nuit est un mal qu'il faut chasser.

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