Définir le « cadre islamique » de la technologie et de la science : un exemple dans le domaine de la médecine
Les promoteurs de l'école de « l'islamisation de la connaissance » considèrent que dans le « contexte occidental », la science et la technologie sont des moyens de « conquête », de « domination » de l'univers et de l'humain. Ils citent différents auteurs européens ou nord-américains ayant expliqué que le progrès scientifique et technique a conduit à un désenchantement du monde en même temps que s'est mondialisée une vision « matérialiste » du progrès fondée sur le revenu et la richesse. Ils appellent à reconnaître le fait que tout ce qui est dans l'univers a reçu une part de « valeur », d' « honneur », de « dignité » et été doté d'une « finalité », en se référant à un verset coranique : « Seigneur ! Ce n'est pas en vain que Tu as créé tout cela ! Gloire à Toi ! »
(Coran, 3/191). De ce fait, toutes les activités humaines doivent être encadrées, liées aux « valeurs » (spirituelles et morales) et aux « finalités » et mises au service de l'humain dans sa globalité, dans le monde comme dans « l'Au-delà ».
Dans sa démarche alternative, cette école essaie de donner une signification plus globale au concept de « progrès » en intégrant des éléments tant matériels qu'immatériels. Elle fait référence à la notion de « besoins humains » en lien avec al-maqâsid al-sharî‘a[1]. Elle en donne une lecture renouvelée pour les temps contemporains : la liberté de culte et de croyance (dîn), la préservation de la famille (nasl), la préservation des droits humains (nafs), le développement des capacités mentales et intellectuelles (al-‘aql), et du développement économique (mâl). Ces finalités, précise-t-elle, impose de voir les humains comme étant des « califes » ou « vice-gérants de Dieu » et les sciences comment une seule et même entité où la complémentarité est privilégiée par rapport à la fragmentation. L'approche se veut conforme à une vision fondée sur la foi en l'unicité de Dieu (tawhid) et à une présentation de l'humain comme un monde très complexe où s'affronte plusieurs dimensions (existentielle, morale, politique, économique...).
Depuis les années 1980, des congrès regroupent des savants-juristes spécialistes du fiqh et des médecins pour débattre de problématiques nouvelles (nawâzil) telles que le don d'organes, la transplantation ou la mort cérébrale. Un consensus général a été cherché à partir du principe suivant : « Mettre fin à un préjudice se fait selon les possibilités »
. A la lumière de cette règle, le Conseil de l'Académie Islamique de Fiqh à La Mecque, lié à la Ligue islamique mondiale, et l'Académie du Fiqh islamique international à Djeddah ont autorisé le don et la transplantation d'organes pour un humain en situation de besoin (al-hâja), étant entendu que ce don ne doit causer de tort ni au donateur, ni à ceux qui ont des droits sur ce dernier (femme et enfants par exemple). Des conditions visent à encadrer cette pratique, par exemple l'interdiction de toute transaction commerciale en la matière. Une exception a été faite pour certains organes sexuels comme le pénis et la vulve et pour les « glandes génitales » dont la greffe est strictement interdite car elles sont « porteuses de caractères héréditaires qui se transmettent de pères en fils »
, leur transplantation entraînerait « le mélange de filiations que l'Islam ne cesse de combattre »
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