Le ciel habité par les hommes : la technologie concurrente des religions ? - Stéphane Tison

Introduction

A l'orée du XXe siècle, l'aéroplane s'élance dans un ciel déjà exploré par les dirigeables. Après les nombreuses innovations techniques diffusées au siècle précédent, le monde des techniques n'est plus considéré par les Eglises, en Europe, comme un attentat contre la « Création », comme certains avaient pu le dire au moment de l'apparition des premières machines à vapeur, ni comme une religion nouvelle concurrente. Pour autant, l'aviation suscite plus que d'autres inventions, un engouement populaire qu'illustre un discours épique qui confine souvent au culte religieux, marquant une étape intéressante de la sécularisation des sociétés.

Aujourd'hui encore, l'histoire de l'aviation mêle souvent des savoirs scientifiques voire érudits à un récit épique emprunt de religiosité. Les précurseurs de l'aviation peuvent être décrits comme des prophètes, les aviateurs comme des anges, Jean Mermoz[1] conservant le surnom d'archange depuis les années 1930. Les historiens professionnels n'échappent pas toujours à cette fascination, comme le montre cet extrait d'une biographie récente : « Ainsi se tisse la légende d'un héros moderne qui, serviteur et prophète de la nouvelle religion de l'aviation, mobilise l'imaginaire d'une société et sert de surplomb à ses aspirations. »  (Michel Faucheux, Mermoz, 2013). L'auteur y tient par ailleurs des propos intéressants sur les représentations mystiques de l'aviateur.

Rapidement utilisée à des fins missionnaires notamment par les catholiques, après avoir bouleversé le rapport des croyants à la réalité du « ciel », l'aviation a favorisé les pèlerinages dans l'espace euro-méditerranéen, nécessitant une appropriation variée de l'avion comme de l'aéroport, ces lieux inventés au cours du XXe siècle.

  1. Jean Mermoz

    (1901-1936) engagé dans l'armée en 1920, il rejoint l'aviation et participe à la guerre du Levant en 1922. Engagé sur les lignes Latécoère deux ans plus tard, il est chargé en 1927 de développer les lignes aériennes de la compagnie en Amérique latine. Mermoz réalise la première traversée de l'Atlantique Sud entre Dakar et Natal les 12 et 13 mai 1930 puis la liaison Paris-Le Bourget/Buenos Aires en janvier 1933. Militant des ligues nationalistes puis vice-président du Parti social français, il disparaît lors d'une nouvelle traversée de l'Atlantique Sud le 7 décembre 1936.

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