Les fondements religieux de la colonisation anglaise
Deux communautés catholiques vivent alors en Irlande : les Irlandais, autrement dit les populations qui parlent le gaélique[1] , et les Old English, des descendants des Anglo-Normands qui avaient fait souche dans l'île depuis la fin du XIIe siècle. Ces Old English se confondent avec les Irlandais car ils s'habillent comme eux, au grand dam des nouveaux venus protestants en provenance de Grande-Bretagne.
C'est sous le règne d'Elisabeth Ière que l'Angleterre devient anglicane. L'anglicanisme est un compromis entre le protestantisme et le catholicisme. Si sa liturgie[2] est proche de celle de l'Église catholique grâce au maintien d'une hiérarchie épiscopale, plusieurs innovations sont incontestablement protestantes. En 1559, le rétablissement de l'Acte de Suprématie[3] (momentanément aboli par Marie Tudor) fait du souverain anglais le « gouverneur suprême du royaume au spirituel comme au temporel »
: l'Église d'Angleterre est désormais séparée de Rome. En outre, la confession de foi dite des 39 Articles[4] définit un dogme calviniste. Ce texte, adopté en 1563 par le clergé puis en 1571 par le Parlement, rejette en effet le Purgatoire[5] , les indulgences[6] et le culte des reliques[7] , reconnaît le « salut par la foi »
et non « par les œuvres »
, accepte le dogme de la prédestination[8] et n'admet que deux sacrements[9] : le baptême et la cène. Le Book of Common Prayer (Livre des prières publiques) adopté en 1559 est d'inspiration calviniste.
A partir de la fin du XVIe siècle, les Anglais entreprennent de diffuser la Réforme protestante en Irlande. Dans cette perspective, l'administration élisabéthaine est le principal agent de la prudente anglicisation de l'île. Elle encourage des communautés anglicanes à s'y installer, c'est-à-dire à coloniser, pour renforcer son autorité et contribuer à l'affirmation du protestantisme dans deux de ses principales formes : l'anglicanisme et le presbytérianisme.
Outre les Anglais, les protestants écossais sont en effet nombreux à venir s'installer dans l'île. Sous l'influence de John Knox[10] et du Parlement d'Edimbourg, l'Écosse a massivement abandonné le catholicisme. Elle se dote d'une Église protestante presbytérienne fondée sur un rejet de la hiérarchie ecclésiastique. En août 1560, le Parlement écossais adopte une confession de foi calviniste et, pendant le deuxième semestre de l'année 1560, une commission de six membres institue une Église appelée Kirk. Cette Église d'Écosse adopte une organisation presbytéro-synodale[11] calviniste : elle supprime l'épiscopat, s'organise en congrégations, des communautés de base encadrées par les ministres du culte, les diacres et les anciens et elle met en place une hiérarchie de synodes[12] élus placés sous l'autorité d'une Assemblée générale. A partir du début du XVIIe siècle, des presbytériens écossais migrent en Irlande, non seulement pour y trouver des terres, mais aussi pour y diffuser leur foi.