L'expulsion des juifs
Dès 1412, une ordonnance royale contraint les juifs, qui ont vécu au milieu du peuple castillan depuis plus de dix siècles, à rester cantonnés dans des ghettos. Elle leur interdit également d’exercer plusieurs charges publiques comme celle de vendre de la viande. Les arguments à leur encontre visent à les présenter comme une menace pour la majorité de la population. Les juifs essayeraient de soustraire les catholiques à leur foi en les instruisant des cérémonies et observances de la loi mosaïque[1] et des traditions qui en découlent (circoncision, jeûnes, fêtes comme la Pâque), en cherchant à leur apporter du pain azyme[2] et des viandes abattues rituellement, en spécifiant les interdits qu’ils souhaitent respecter, notamment dans le domaine alimentaire, ou encore en discutant de questions doctrinales.
L'expulsion des juifs s'effectue en un seul temps, sans demi-mesure. Le décret de l'Alhambra, publié le 31 mars 1492, ordonne aux juifs de Castille et d'Aragon de choisir entre la conversion au christianisme et l'exil, sans aucune possibilité de retour, sous peine de mort. Les rois catholiques leur accordent jusqu'au 31 juillet de la même année pour procéder à la vente de leurs biens. Contrairement aux prévisions des monarques, la majorité choisit de quitter le pays en direction du Maghreb, de l'Europe méridionale (Portugal, pour une courte période, Italie) et de l'Empire ottoman où le sultan Bayezid II[3] accepte de les accueillir. Les estimations chiffrées concernant l'importance numérique des expulsés ont été sujettes à controverse, variant entre 40 000 et plus d'un million. La majorité des historiens contemporains estiment que le nombre réel se situe entre 150 et 200 000, mais une minorité, dont l'historien espagnol L. Suarez, avance le chiffre de 100 000.