Religions et Argent

Les lieux de culte

Les communautés musulmanes ont d'abord affecté des maisons particulières au culte. Aujourd'hui encore, de nombreuses mosquées sont établies dans des bâtiments résidentiels. C'est particulièrement le cas en milieu urbain. Progressivement, toutefois, de nouvelles structures sont construites en tant que mosquées : la physionomie du lieu de culte islamique change. D'autre part, la pratique étant en baisse au sein des Églises chrétiennes, certains édifices du culte peuvent être transférés à la communauté musulmane. C'est le cas dans plusieurs villes des Pays-Bas : l'absence de financement public direct des lieux de culte pouvant en assurer la pérennité, même après la diminution drastique du nombre de fidèles, exerce une pression favorable à la désacralisation et à la reconversion. Cette reconversion d'églises en mosquées suscite fréquemment des mouvements de rejets auprès des populations locales ou plus largement.

La construction de mosquées, et non plus la transformation de structures existantes, se heurte à divers obstacles : l'absence de législation adaptée, la difficulté de trouver les fonds nécessaires et l'opposition de l'opinion publique. Cette dernière se manifeste particulièrement devant des projets de bâtiments de grande dimension, prévus en dehors des villes, ou dont l'architecture présente un caractère orientalisant ou des éléments religieux affirmés. On se rappellera à cet égard de la votation populaire intervenue en Suisse en 2009 qui a eu pour effet d'inscrire dans la Constitution de la Confédération helvétique l'interdiction de la construction de minarets sur tout le territoire.

La question du financement des mosquées se pose de façon aigüe dans un contexte où, dans la plupart des pays qui organisent un financement public des cultes, le soutien est prévu pour l'entretien des bâtiments et non pour leur construction. En outre, les lieux de culte anciens bénéficient de subsides au titre du patrimoine, ce qui constitue un avantage au profit des cultes chrétiens anciennement établis et une discrimination vis-à-vis des fidèles musulmans. La France, qui abrite une importante population musulmane, a vainement cherché comment les pouvoirs publics pourraient systématiquement soutenir la construction des mosquées ; les solutions trouvées dépendent pour leur mise en œuvre de la bienveillance des autorités locales. Le soutien des fidèles s'avérant la plupart du temps insuffisant pour couvrir les coûts d'une nouvelle construction, il est très fréquemment fait appel au soutien financier de l'étranger. C'est ainsi que des États comme l'Arabie saoudite ou le Qatar ont financé des lieux de culte emblématiques. La Turquie se montre très active dans la construction et l'entretien de mosquées en Europe, que ce soit directement via la Diyanet[1] (ministère des affaires religieuses) ou par l'entremise du mouvement Milli Görüs[3] basé en Allemagne. Longtemps tolérés, ces financements venus de l'étranger sont aujourd'hui dans le collimateur des pouvoirs publics qui souhaitent promouvoir un islam européen émancipé de la tutelle de l'étranger. À l'été 2018, La décision du gouvernement autrichien (coalition du parti conservateur et de l'extrême-droite) de fermer des mosquées rattachées à la Diyanet et d'en expulser du pays les imams a constitué une illustration radicale de cette politique. En 2015, la nouvelle loi autrichienne sur l'islam avait spécifiquement interdit les financements en provenance de l'étranger. Cette loi est représentative d'une volonté de susciter la création d'un islam européen ; elle liste les droits et les devoirs de la Communauté islamique et de la Communauté alévie[2], qui se voient notamment reconnu le droit à l'enseignement de leur religion dans les écoles publiques et à la reconnaissance de leurs jours fériés spécifiques. D'autres pays ont adopté récemment de nouvelles conditions de reconnaissance pour les communautés religieuses qui désirent bénéficier d'un financement public, qui naturellement concernent en première ligne le culte islamique, qui est en croissance. Ces nouveaux critères énumèrent désormais des obligations en matière de respect des droits fondamentaux.

  1. Diyanet

    La Diyanet, de son nom complet DiyanetİşleriBaşkanlığı, est le ministère turc des affaires religieuses. Il dispose d'un budget très important et déploie ses activités également auprès de la diaspora turque à l'étranger.

  2. alévie

    L'Alévisme est une branche de l'islam distincte tant du sunnisme que du chiisme et dotée d'une philosophie et de rites propres. L'Alévisme est principalement répandu en Turquie, où il se heurte à l'hostilité des autorités.

  3. Milli Görüs

    Le Milli Görus est une organisation islamique turque à caractère international qui administre de nombreuses mosquées dans différents pays européens. Initialement opposée aux autorités turques, l'organisation est, depuis l'arrivée du président Erdogan au pouvoir, proche du gouvernement d'Ankara et de la Diyanet.

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