Religions et Argent

Qu'est-ce qu'un habous ?

Le habous qui peut également être appelé waqf, est une institution juridique qui trouve son origine dans l'une des paroles du prophète Mohammad. Cette dernière rapporte une directive prévoyant l'immobilisation d'un fonds de sorte qu'il ne soit ni donné, ni vendu, et que ses revenus reviennent à l'aumône. En arabe, la racine H B S : habbasa signifie : immobiliser, emprisonner (la racine W Q F pour waqf a une signification approchante). Créer un habous c'est donc rendre inaliénable un bien suivant les règles de la loi islamique, pour en attribuer le revenu à une œuvre. Autrement dit, il s'agit d'extraire un bien hors de la sphère du commerce, à l'abri de toute aliénation pour qu'il serve l'intérêt général.

Selon les historiens, la terminologie de habous, était probablement imprécise à l'avènement de l'Islam et n'est systématisée que par la suite. La première institution connue au début par les musulmans, est celle de Ahbass fi sabili Allah « habous pour Dieu ». Il s'agit des donations de chevaux, d'armes, d'esclaves, au profit de la guerre sainte, ou de maisons pour abriter les guerriers aux frontières de l'État islamique naissant. Les premiers waqfs ou habous primitifs, au Hedjaz, sont souvent appelés : Sadaka mouharrama « aumône réservée ». D'autre part, on remarque à cette époque qu'aucune des fondations attribuées au prophète Mohammed et à ses compagnons, n'est faite au bénéfice d'un monument public. Selon la tradition, la rupture intervient lorsque « Umar-bin-Al Kattab », troisième khalife, consulte le prophète au sujet de la terre des Khaybbar, fraichement conquise. Le prophète lui conseille en effet d'immobiliser cette terre « de façon à ce qu'elle ne puisse être ni vendu, ni donnée, ni transmise en héritage » et lui commande d'en distribuer les revenus aux pauvres.

De la même manière les origines du habous ou waqf font débat. Pour Sylvie Denoix, le habous ou waqf, est un métissage de normes inter temporelles dans le Hedjaz[1] à l'époque du prophète. L'orientaliste Claude Cahen affirme qu'il existe une parenté entre le waqf et la propriété collective des tribus arabes avant l'avènement de l'islam. D'autres historiens ont avancé l'hypothèse que le habous trouverait son origine dans une institution byzantine : Les Piae Causae, qui étaient des fondations pieuses inaliénables, possédées par la communauté chrétienne et gérées par l'autorité ecclésiastique. Enfin un parallèle a été également tracé avec une institution juive équivalente, fondée au profit des synagogues et des pauvres le Qodesh (litt. « saint ») Pour certains ces origines mixtes auraient donné par la suite les deux types de waqf et habous que nous connaissons: le habous de famille « Ahli », serait hérité de l'institution hidjazienne, et le habous de bienfaisance « Khayri » des fondations pieuses byzantines et juives.

L'institution du habous/waqf ne concerne pas seulement les immeubles, mais toute source de revenus comme par exemple : un esclave, ou un revenu d'usage comme des livres. Font généralement l'objet d'un habous ou waqf, des œuvres pieuses : école, mosquée, ou encore zaouïa[2]. Dans ce cas les revenus sont affectés à l'édification ou l'entretien de ces institutions. Cependant les habous peuvent aussi servir à la réfection des murailles d'une ville, à la fondation d'un hôpital, ou même à la sauvegarde et au soin des animaux. Dans ces différents cas de figure ou le habous bénéficie à l'intérêt public il est désigné comme habous koubra « grands habous », ou « habous public ». Les habous peuvent aussi servir à l'entretien de la famille du constituant ; c'est le habous ahli, ou « petit habous ». Pour l'historien Joseph Luccioni, le habous de famille permet de protéger une multitude de biens familiaux contre les étrangers à ladite famille, en préservant le patrimoine familial de tout éclatement, il préserve aussi la solidarité et l'unité des familles et contraint les femmes à n'avoir de mari qu'à l'intérieur de la famille élargie. Pour beaucoup, le habous de famille est fait pour l'amour de la famille, tandis que le habous de bienfaisance est fait pour l'amour de Dieu.

  1. Hedjaz

    Hedjaz, signifie en arabe « barrière », située à l'ouest de la péninsule arabique, zone central entre des grands circuits commerciaux avant l'avènement de l'islam. Historiquement, c'est le lieu de la naissance de la religion islamique, où se situe les cités les saints de l'islam, La Mecque et Médine.

  2. zaouïa

    Souvent constituées sur la base de ribats – sanctuaires musulmans et parfois forteresses pour défendre la terre de l'Islam – les zaouïas se développaient pour devenir des lieux d'enseignement mystiques souvent centrées autour du culte du soufi fondateur.

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