Chant et mystique dans l'œuvre de Fayrouz

Fayrouz, et les frères Rahbani

Le festival de Baalbeck

En 1957, les membres du comité du festival de Baalbeck sont sceptiques quant à la participation de Fayrouz pour la deuxième année du festival. Ils considèrent que les opérettes folkloriques des villageois de la montagne ne correspondent pas aux ambitions du festival en lien en particulier avec le site historique choisi. Selon certaines rumeurs, c'est le couple présidentiel, Camille et Zelpha Chamoun, qui aurait imposé la présence de Fayrouz et des frères Rahbani au festival afin de promouvoir les nuits libanaises[1]. C'est ainsi que les pièces composées par les frères Rahbani pour lesquelles Fayrouz occupe le rôle principal suscitent rapidement un engouement qui propulse ce trio ultraproductif (22 comédies musicales et un millier de chansons) sur le devant de la scène nationale et internationale. Le trio utilise le théâtre musical et fait connaître le Liban à l'étranger. Fayrouz assume avec aisance son rôle de messagère. Le succès du festival de Baalbeck stimule particulièrement les frères Rahbani et le public occidental découvre Fayrouz laquelle rappelle que se produire à Baalbeck est une expérience qui augmente le pouvoir de la chanson, c'est inspirant et on se sent entourés de la beauté. Peu à peu Baalbeck et Fayrouz deviennent indissociables dans les esprits au point que la chanteuse est désignée comme la « septième colonne » (el ‘amoud al Sab‘a) du temple de Jupiter ou encore comme « l'étoile de Baalbeck » (Najmat Ba‘lbak). Peu à peu Baalbeck devient un emblème national associé à Fayrouz. En effet, à partir du début des années 1960 les guides touristiques libanais mentionnent désormais Baalbeck et son festival comme un lieu incontournable. Au même moment Baalbeck devient, dans les films égyptiens diffusés dans tout le monde arabe, le symbole du Liban.

L'innovation des Rahbani

Le théâtre chanté des Rahbani inaugure un nouveau style musical, le style Rahbani, dont le secret est de concilier tragédie et comédie. Ils bouleversent également le format de la chanson en imposant de courtes durées – quatre à six minutes en moyenne contre une vingtaine de minutes à l'époque dans la chanson égyptienne : Les frères Rahbani transmettent leur message grâce au génie artistique de Fayrouz qui incarne la messagère, la pureté, la nostalgie, la femme, la sage, la mère qu'elle est devenue en 1956 à la naissance de son premier enfant... Grâce à son don scénique et ses interprétations, ses chants véhiculent des messages de toutes sortes : patrie, paix, amour... tel un miroir pertinent de la situation de l'époque. Selon Henri Zoghaib on trouve « Dans les premières œuvres des Frères Rahbani (surtout celles présentées au Festival de Baalbeck), une trace quasi-utopique d'un Liban idéal, sublime, heureux qui couvre son peuple d'une atmosphère de joie et de bonheur, d'un souffle patriotique très haut, que ce soit dans les pièces de théâtre ou dans les paroles des chansons.»

Par ailleurs, le style Rahbani établit une relation mystique entre foi et amour qui apporte justice, bien et paix. À travers Fayrouz, la foi en Dieu, la croyance en l'Homme et l'enracinement sur la terre en particulier ici la montagne libanaise s'invitent sur la scène musicale valorisant le caractère unique des chants de la Diva.

  1. les nuits libanaises

    Depuis 1957 le festival de Baalbeck soutient la création musicale libanaise à travers une section qui produit des artistes libanais dans un spectacle : ce sont les Nuits libanaises.

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