Religions et gestion de la violence

Introduction

Dans la plupart des pays majoritairement musulmans, l'islam est proclamé « religion d'Etat » et la sharî‘a[1] source principale voire exclusive de toute législation. L' « islam politique » se définit lui-même comme un projet d'instauration d'un gouvernement se fondant sur le Coran, le Hadîth et des valeurs associées qui sont promues comme normes suprêmes, ainsi que sur l'islamisation des codes, des pratiques et des discours dans l'espace public. L'« islamisme » n'est pas un mouvement monolithique, même si tous ceux qui s'y attachent se reconnaissent dans une vision binaire du monde, opposant le dâr al-islâm[2] d'un côté et le dâr al-kufr[3] de l'autre. Il a pris trois formes distinctes, chacune porteuse d'un rapport au monde et de modes opératoires spécifiques :

- Les mouvements islamiques politiques (al-harakat al-islâmiyya al-siyâssiyya), représentés par l'association des Frères musulmans en Egypte, matrice d'autres organisations au Maghreb et au Moyen-Orient ayant pris des visages différents.

- Les mouvements islamiques missionnaires en vue de la conversion (al-da‘wa). Leur objectif primordial n'est pas le pouvoir politique, mais la défense et la promotion d'une orthopraxie, d'une orthodoxie, d'une identité, d'un ordre moral face à ce qu'ils appellent l' « incroyance » (kufr ou zandaqa).

- Les mouvements djihadistes (al-harakat al-jihâdiyya), qui appellent à la lutte armée contre l' « ennemi proche », à savoir les régimes se référant à l'islam mais considérés par eux comme « impies » (nuzumkuffâr), et à la lutte globale contre l' « ennemi lointain », c'est-à-dire prioritairement « l'Occident non-musulman », mais aussi les bouddhistes ou les hindous en Asie. Ils se réclament notamment de la pensée de l'Egyptien Sayyid Qutb[4] .

  1. sharî‘a

    Règles doctrinales, sociales, culturelles, et relationnelles édictées par la « Révélation » coranique. Le terme utilisé en arabe "شريعة"signifie dans ce contexte religieux :« chemin pour respecter la loi [de Dieu] ». La sharî‘a ou charia est, en français, traduit le plus souvent par l'expression « loi islamique ».

  2. dâr al-islâm

    الاسلام« domaine de la soumission à Dieu », ce terme désigne initialement les pays où s'applique la sharî‘a.

  3. Dâr al-kufr

    دار الكفر, « domaine des infidèles » ou « domaine de l'incroyance ».

  4. Sayyid Qutb (1906-1966)

    Né le 9octobre1906, dans le sud de l'Egypte. Poète, essayiste, et critique littéraire égyptien, il séjourne aux Etats-Unis où il développe une vision très opposée au mode de vie et aux valeurs sur lesquelles sont fondées les démocraties libérales. De retour en Egypte, il s'engage au sein des Frères musulmans et devient la principale éminence grise de l'organisation. Il s'oppose à Nasser, ce qui lui vaut de passer une décennie en prison, où il est exécuté par pendaison le 29 août 1966, après avoir été libéré pendant quelques mois. Sa pensée nourrit une idéologie islamiste radicale auquel son nom est associé : le qutbisme.

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