Les femmes juives face aux problématiques de l'émancipation en Europe (1790/91-1917)

Le XIXe siècle juif en Europe : émancipation & assimilation

A partir de la fin du XVIIIe siècle, l'entrée du judaïsme dans l'ère de l'émancipation constitue, dans son histoire, un tournant sans doute aussi important que l'exil à Babylone (586 av. J.-C.) et la destruction du second Temple (70). En effet, progressivement, la plupart des pays d'Europe suivent le modèle inauguré en France en 1790-91 et poussent les juifs à redéfinir leur identité, notamment leur rapport à la communauté d'une part et à la religion d'autre part. Émancipation et assimilation constituent le couple moteur des transformations du judaïsme en Europe au XIXe siècle, il désigne pour le premier une réalité juridique – l'obtention de la citoyenneté pour les juifs –, pour le second une réalité sociale – l'abandon de la vie communautaire fermée pour participer à la société.

Carte de la Zone de résidence des Juifs en Russie

Le couple émancipation/assimilation n'est pas à sens unique loin de là. L'assimilation précède ainsi l'émancipation en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume Uni. L'échelle nationale est d'ailleurs trompeuse. En France en 1790-91, les juifs du littoral atlantique sont déjà assimilés alors que ce n'est pas le cas pour ceux du Comtat Venaissin ou d'Alsace. Il en va de même pour l'Empire austro-hongrois en 1867 où les juifs d'Autriche et de Hongrie sont déjà en parti assimilés alors que ce n'est pas ou peu le cas pour les juifs de Galicie, et des différences importantes existent aussi au sein de l'Empire russe jusqu'en 1917.

L'assimilation est encouragée par les maskilim[3] et même, dans un certaine mesure en Europe occidentale et centrale, par quelques rabbins, le plus souvent défenseurs d'un judaïsme réformé ou libéral. L'ambiance est plutôt à l'enthousiasme. L'émancipation est souvent vue comme un signe annonciateur de la rédemption d'Israël. L'assimilation s'accompagne, en particulier dans certains États allemands, d'une réforme du judaïsme dont le principe de base est la non immuabilité de la loi orale. De nombreux aspects plus symboliques sont mis en valeur. Le terme de temple est préféré à celui de synagogue, les sermons sont faits en langue vernaculaire, l'orgue est introduit, les références à Sion sont supprimées. Le mouvement, sporadique à l'origine, est unifié autour de la figure d'Abraham Geiger[1] et s'étend ensuite dans d'autres régions d'Europe et aux États-Unis. Les choix de Geiger et des réformés ne font cependant pas l'unanimité. Les orthodoxes résistent et le mouvement réformé connait une première scission. Autour de Zacharias Frankel[2] apparaît, en 1854, le mouvement massorti (litt. « traditionnel ») ouvert à la modernité mais plus conservateur néanmoins.

  1. Abraham Geiger (1810-1874) 

    Originaire de Francfort. Attiré par l'université, il ne peut cependant y obtenir un poste en raison de sa judéité et opte donc pour le rabbinat. Il est le principal instigateur du mouvement de réforme du judaïsme dans des États de langue allemande.

  2. Zacharias Frankel (1801-1875)

    Originaire de Bohême, Zacharias Frankel s'installe à Breslau (actuellement Wroclaw en Pologne) en 1854 où il dirige un séminaire rabbinique. S'il reste ouvert à la modernité, Frankel propose un enseignement qui tranche avec ce qu'il juge comme des excès des réformés (abandon de la circoncision par exemple). On considère sa pensée ou son œuvre comme étant à l'origine du mouvement massorti, souvent appelé conservative judaism aux États-Unis.

  3. Maskilim

    Défenseurs de la Haskalah, mouvement défini comme les Lumières juives, qui apparaît dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle en Prusse avant d'essaimer progressivement en Europe.

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