Sciences et religions à l'époque contemporaine XIXe - XXe siècles

Rejeter, accepter, adapter une épistémologie et des méthodologies nouvelles

Comment peut-on comprendre le texte religieux ? Et quels outils pour pénétrer son contenu ? La captation de la pensée religieuse part de deux principes : la connaissance, qui apporte des éléments pour réfléchir sur l'objet d'étude ; l'interprétation, qui vise à aider à saisir le compréhensible. Les auteurs cités en introduction reprennent une question classique, mais ils se dotent de nouveaux moyens pour répondre à la seconde leur permettant d'approcher d'une autre manière la teneur du texte sacré en valeurs, croyances et jugements. Ils disent qu'ils s'attachent à combiner « authenticité » et « modernité », à distinguer ce qui est « sacré » (lié à la source invitant à la connaissance) et ce qui est « humain » (lié à la réflexion et à la compréhension). De ce fait, l'ijtihâd[1] prend une acception plus large que celle qui prévalait chez les ulémas formés aux disciplines traditionnelles et suscite, par là-même, des divergences.

La prémisse est la suivante : le rôle fondamental de la religion consiste à guider les humains, à les orienter selon des domaines bien précis dont les champs peuvent s'élargir ou rétrécir en fonction de ce que disent ceux qui parlent au nom de la religion, c'est-à-dire en fonction des attentes des hommes et de leur compréhension de celle-ci. Pour El Jabiri, Arkoun ou Abou Zayd, l'une des fonctions du chercheur en sciences sociales, spécialisé en islam, est de mettre à disposition des personnes les mécanismes susceptibles de les aider à comprendre le texte coranique. La question à laquelle ils sont confrontés est la suivante : est-ce que leur recherche, fondée sur une épistémologie renouvelée, leur donne le droit de tout dire ? Ils savent que leur objet d'étude est imprégné d'une auréole de sainteté, pas seulement « Dieu » ou le « Coran », mais l' « islam » en lui-même. En conséquence, pour bien comprendre la religion, il convient d'abord de bien connaître ce qu'en ont dit ceux qui ont parlé ou écrit avec autorité au cours des siècles. Cette analyse entre dans le cadre du travail épistémologique, sans pour autant prendre elle-même une facette religieuse.

El Jabari, Arkoun et Abou Zayd convergent sur l'historicité du texte religieux et sur le fait que le patrimoine religieux a connu des évolutions au cours du temps. Mais ils divergent en ce qui touche à la méthodologie de travail. El Jabiri et Arkoun analysent le patrimoine arabe d'un point de vue rationnel et estiment que le discours religieux peut aussi être soumis à l'étude et à la critique. Abou Zayd suit un chemin différent dans son interprétation du patrimoine, il porte son attention sur toute la production arabe, le texte sacré (le Coran et la Sunna) inclus, et il en fait un cadre pour une culture générale qui se doit d'être comprise dans sa globalité.

  1. Ijtihâd

    littéralement « le fait de se donner de la peine ». En ce sens, le terme désigne le raisonnement individuel. Les oulémas et les juristes musulmans accomplissent cet effort de réflexion pour interpréter les textes fondateurs de l'islam et en déduire le droit musulman. Des penseurs musulmans de la fin du XIXe siècle ont appelé à une « réouverture des portes de l'ijtihâd », dans la perspective d'une réforme de l'islam.

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