L'émirat des Chéhab (1697-1841). Le mandat de Béchir II (1789-1840)

L'Emirat de Béchir II (1789-1840)

La dynastie Chéhab gouverne le Mont-Liban pendant 157 ans. Béchir II est le dixième émir gouverneur dans l'ordre de succession. Son règne dure 52 ans, il est marqué par trois périodes distinctes au cours desquelles s'enchevêtrent des facteurs internes et externes qui aboutissent à sa chute. Béchir est né à Ghazir où il reçoit le baptême et s'initie au christianisme. Il perd son père très tôt et mène une enfance difficile à cause du remariage immédiat de sa mère et de la pauvreté. Vers l'âge de 12 ans, il s'installe à Beiteddine, tout près de Deir al-Qamar, cœur du Mont-Liban et résidence de l'émir gouverneur. Là, il jouit de la bienveillance de son cousin l'émir Youssef[1]. Celui-ci lui confie la mission d'inventorier les biens de son oncle maternel, décédé à Hasbaya, le foyer de la famille Chéhab. Béchir s'acquitte de la mission, épouse Chams la veuve de l'émir défunt et rentre à Dair al-Qamar disposant désormais d'une fortune. Sa présence à la cour est remarquée par les opposants de l'émir Youssef, dirigés par le clan puissant des Joumblatt. Ceux-ci lui font des avances pour renverser son oncle, mais le jeune Béchir reste sur la réserve jusqu'à ce que des troubles interviennent. En augmentant considérablement le tribut, le vali d'Acre, Jazzar pacha[2], provoque un soulèvement général contre l'émir en exercice. Se voyant incapable de gouverner, l'émir Youssef abdique. L'assemblée des notables tenue à Barouk, en 1788, choisit Béchir II. Jazzar pacha entérine le choix sans abandonner ses desseins d'exploiter la Montagne[3].

Les Etats européens encouragent les mouvements autonomistes de chefs locaux pour tisser des alliances stables et avoir des prétextes pour intervenir. La Porte, au contraire, s'ingénie à réprimer ces velléités séparatistes et empêche toute tentative d'ingérence. Jazzar pacha refoule les Russes et détache Beyrouth de l'émirat du Mont-Liban. Installé à Acre, nommé vali de Sidon, puis de Damas, il parvient à verrouiller ces régions, à interdire toute incursion et à y appliquer un monopole sur le commerce. La campagne de Bonaparte[4] en Égypte, en 1798, nourrit de grandes visées dont les plus immédiates consistent à déloger les Anglais des Indes, à libérer les peuples - y compris les Ottomans - par l'adhésion aux idéaux de la Révolution française, à trouver des marchés économiques et à diffuser la « science ». Sollicité par les deux belligérants, Béchir II tient une position de neutralité. L'unité prime et il déjoue toutes les machinations susceptibles de semer les germes de divisions, notamment entre les druzes et les maronites[5]. Sa loyauté envers le sultan l'emporte sur ses propres sympathies envers les Français. Il facilite le passage des renforts ottomans conduits par le grand vizir Youssef Dya entre 1789 et 1805 dans ses territoires, il veille à leur ravitaillement sans oublier de gratifier cette personnalité de riches cadeaux et il obtient l'appui du commodore Sidney Smith[6], commandant de la flotte anglaise en Méditerranée. Mécontent, Jazzar pacha suscite contre lui des princes rivaux de sa famille, notamment les fils de l'émir Youssef et le révoque arbitrairement à cinq reprises, mais sans effet (1791-1793, 1795, 1799, 1799-1801). La mort de Jazzar, en 1804, éclipse un adversaire au sein même de l'administration ottomane.

Béchir II réussit alors à nouer une amitié durable avec Soliman pacha[7] le nouveau vali d'Acre, qui lui permet d'acquérir une stature plus que régionale. Mandatés par le sultan, ils combattent côte à côte contre les wahhabites[8] qui attaquent Damas en 1810. Soliman le récompense en le désignant à vie « émir du Mont-Liban ». Cette période de stabilité permet à l'émir de se mesurer aux pachas voisins, d'asseoir un pouvoir réformé et centralisé, affranchi du contrôle et des prérogatives des moukataaji. Il réunit autour de lui tous les partis et rattache la Bekaa et les villes côtières, depuis Tripoli jusqu'à Sidon au Mont-Liban. Sur le chemin des caravanes qui lie Damas à l'échelle de Sidon, il bâtit le palais de Beiteddine en 1806, véritable centre de pouvoir qui abrite une cour, un conseil, une caserne, des écuries et bénéficie d'une adduction d'eau.

La paix et la tolérance qui règnent au Mont-Liban attirent les minorités persécutées dans l'intérieur syrien. Beaucoup de chrétiens, en particulier des grecs melkites[9], fuient la domination wahhabite en Damascène et la poussée d'intransigeance alimentée par les Ottomans à l'égard des dhimmi-s[13] pour rallier la population par surenchère au wahhabisme. Quelques 400 familles druzes du Jabal al-Aala, au nord d'Alep, également victimes de cette fièvre politico-religieuse, viennent s'installer dans la Montagne aux frais partagés par l'émir et le cheikh Béchir Joumblatt[10]. Cependant, sur ordre de Béchir II, les fils de l'émir Youssef, ses concurrents immédiats, et leurs tuteurs les Baz[11], sont les premières victimes d'une purge impitoyable. Il fait exécuter les premiers et rend inoffensifs les pupilles assignés à résidence au Kesrouan : yeux crevés, langues coupées et biens confisqués. Il destitue les Nakad[12] , moukataaji de Deir al-Qamar et les dépossède de leurs districts au profit des membres de la famille Chéhab. Délivré de ses principaux adversaires, l'émir mène une politique réformatrice visant à faire de son émirat un embryon d'Etat.

Le droit est unifié. La charia, entendue ici comme un corpus juridique liée à la tradition sunnite, familière aux maronites depuis le XVIIIe siècle grâce à l'évêque juriste Abdallah Carali[14], est imposée. Consulté, le Saint Siège acquiesce à ces pratiques tant qu'elles ne contredisent pas la doctrine catholique. Béchir II fonde deux tribunaux l'un à Deir al-Qamar, l'autre à Ghazir, le premier présidé par un juge druze, l'autre par un maronite. Les deux juges sont compétents dans toutes les matières et connaissent tous les litiges, indépendamment de la religion des parties justiciables. L'émir maintient les juges de paix dont la tâche est confiée aux chefs des villages. Les tribunaux des moukataaji jouent le rôle des cours d'appel qui doivent référer au tribunal suprême de Beiteddine. L'émir acquiert la renommée d'un juge implacable et impartial pour faire régner l'ordre. La légende court selon laquelle les voyageurs s'imaginent marcher accompagnés par l'ombre de l'émir qui est affublé du surnom d'Abou Saada eu égard au nom de sa fille aînée, car la coutume orientale recommande au père de prendre le nom de l'enfant aîné. La chasse princière des perdrix aux faucons, effectuée annuellement en janvier ou février, donne l'occasion à l'émir d'inspecter ses territoires.

En prenant exemple sur le sultan ottoman ou sur le vice-roi d'Egypte, Béchir II prend des mesures sanitaires pour lutter contre les épidémies et pousser des candidats à faire des études de médecine en Egypte. Il aménage le réseau routier, fait construire des ponts, encourage le commerce, édifie des marchés à Deir el-Qamar, Zahlé et Zouk. Des palais sont bâtis pour ses fils à côté de sa résidence à Beiteddine. Des hommes de lettres composent le conseil de l'émir, lui procurent les recommandations et peuvent se voir confier des missions. Béchir II se comporte comme un mécène libéral envers ceux qui le placent au rang de « despote éclairé ». Les plus célèbres sont Nassif Al-Yâziji, Nicolas al-Turk[15], Butrus Karamé[16], Elias Eddé[17], Haidar Chéhab[18] ... Cette assemblée d'écrivains laisse entrevoir les lueurs précoces de la renaissance des lettres arabes.

Le Mont-Liban n'a pas de budget établi, mais doit le miri que l'émir verse à la Porte via le pacha de Sidon. Pris dans l'engrenage de la vénalité des charges mais attentif à la stabilité de la Montagne, Béchir II essaye de maintenir le tribut fixe face à la cupidité des vali-s et s'oppose à leur prétention de changer l'assiette et le mode de perception. Le montant global du tribut est reparti entre les moukataaji au prorata de leurs richesses présumées. Et les hawali-s[19] - interviennent pour punir les récalcitrants, amasser les sommes dues et prévenir l'interférence des pachas. L'émir constitue le noyau permanent d'une armée de métier comptant mille hommes, moitié cavaliers et moitié fantassins, commandés par ses fils ou par lui-même. En faisant appel aux troupes enrôlées par les moukataajis, il peut mobiliser une armée de 20 000 hommes. Il réduit progressivement la puissance des notables attachés à leurs privilèges séculaires, tels les Baz et les Arslan, mais il doit composer avec les Joumblatt qui conservent leur autorité dans leurs districts respectifs.

Béchir II veille à ne pas procurer à la Porte d'occasion de s'immiscer dans les affaires de la Montagne, mais la pression fiscale provoque des soulèvements populaires. Il affronte trois soulèvements : 1820, 1821 et 1840. La violence de ce dernier et ses implications internationales entraînent sa chute. L'insurrection structurée portant des revendications sociales prend le nom de `âmmiyya[20], c'est un phénomène inédit dans l'Empire ottoman. Au tournant des années 1820, confrontée au soulèvement des Grecs et à une guerre avec la Russie, la Porte manifeste sa volonté d'augmenter les impôts par l'ordre du vali d'Acre Abdallah pacha[21]. Béchir II impose la décision aux montagnards, mais les paysans chrétiens refusent de payer un supplément au miri et tiennent deux grandes réunions consécutives à Antelyas et à Lehfid qui se terminent par un pacte insistant sur la solidarité mutuelle, la défense du bien commun et l'élection de wakil-s[22] pour protéger leurs intérêts. Ils enclenchent un processus de démocratisation qui se traduit par plusieurs revendications, notamment la décentralisation.

La rupture est consommée. Aidé par Béchir Joumblatt, Béchir II écrase les paysans, recueille les taxes indues, pénalise des notables et soumet le Kesrouan à un régime cadastral sévère. Même les propriétés ecclésiastiques sont lourdement grevées. A peine le pays pacifié, l'émir se compromet auprès du sultan par son alliance avec Abdallah pacha désireux d'agrandir ses domaines aux dépens de ses voisins. La coalition des pachas de Damas et d'Alep, soutenue par la Porte et renforcée par la défection de son plus puissant allié Béchir Joumblatt, oblige l'émir à démissionner et à se réfugier en Égypte auprès de Mehmet Ali[23]. Ce dernier plaide la cause de l'émir auprès de la Porte qui le réhabilite en 1822. A son retour, cependant, un slogan s'impose : « le pays est trop petit pour accueillir deux Béchir ». Si l'émir dispose d'une légitimité confirmée par la reconnaissance des pachas voisins de Damas et d'Acre, le cheikh a pour lui la force. Le combat s'engage fin 1824, d'abord favorable aux troupes du cheikh, puis à celles de l'émir. Béchir Joumblatt et deux chefs de la famille `Imad[24], quittent le Mont-Liban. Ils sont capturés puis exécutés par les vali-s de Damas et d'Acre. La chute de Béchir Joumblatt laisse des séquelles au Mont-Liban au XIXe siècle.

En écrasant son riche et puissant rival, Béchir II entend achever son œuvre de centralisation. Sa riposte s'inscrit dans un contexte de lutte de pouvoir, pas de conflit confessionnel : d'une part, il n'agit pas en tant que chrétien contre un druze, car il se garde de manifester sa religion ; d'autre part, nombre de chefs chrétiens des Khazen, Hobeich et Dahdah combattent contre lui dans les rangs du cheikh. Les druzes, cependant, conçoivent le conflit et son issue de manière différente et ils s'abstiennent de coopérer en attendant le renversement du rapport de forces. Par l'affaiblissement des moukataaji et la soumission des paysans, Béchir II restructure les districts et règne en despote jusqu'à l'arrivée des Egyptiens.

  1. Youssef

    Youssef Chéhab (1770-1789) succède à son oncle Mansour. Il réussit à réunir la partie septentrionale et méridionale du Mont-Liban. Son mandat connaît beaucoup de troubles à cause des prodromes de la « question d'Orient », de l'insubordination des notables comme les Joumblatt, et de la cupidité de Jazzar Pacha. Celui-ci le fait exécuter en mai 1791.

  2. Jazzar pacha

    Ahmad pacha, surnommé Jazzar pacha ou Djezzar Ahmed pacha (1722-1804) : D'origine bosniaque, il s'engage comme soldat de fortune à Constantinople à l'âge de 16 ans. Il se rattache aux services d'Ali Bey en Egypte et se compromet dans les intrigues des Mameluks. Il fuit à Constantinople, puis s'installe à Beyrouth et la défend contre les Russes en 1772-1773 avant d'y imposer son autorité et de chasser ses maîtres les Chehab. La Porte le désigne pacha d'Acre en 1787, mais il brigue et obtient plusieurs fois le vilayet de Damas. Ainsi, il resserre l'étau contre le Mont-Liban et le soumet à une fiscalité onéreuse. Il impose un monopole aux Echelles et ruine presque le commerce français bien avant la campagne de Bonaparte en Egypte. La mort du « tyran » lui vaut le sobriquet du « boucher-djezzar » et cause un grand soulagement parmi la population.

  3. Montagne

    Le Mont-Liban ou la « Montagne » désigne la chaîne montagneuse qui s'étend des hauteurs de Tripoli au nord jusqu'à la Galilée antique au sud. Sous la domination ottomane et avant la création du vilayet de Sidon en 1660, il était divisé en deux parties séparées par la rivière de Maamaltain. La partie septentrionale relevait du vilayet de Tripoli, la méridionale de Damas. A partir de 1660, le Mont-Liban relève du vilayet de Sidon. L'émir Youssef Chehab réunit les deux parties. Le Mont-Liban connaît sous les Ottomans trois régimes : l'émirat, le caimacamat et le mutasarrifiyya. En 1920, il constitue, avec la ville de Beyrouth et ses environs, le noyau central de l'Etat du Liban.

  4. Bonaparte

    Bonaparte, futur Napoléon Ier (1769-1885), entreprend la « campagne d'Égypte » en vue de briser la domination anglaise en Méditerranée orientale et aux Indes. Cette expédition militaire a des conséquences scientifiques importantes en marquant le début de l'égyptologie mais surtout en éveillant les esprits dans le monde arabe sur les réalités européennes dans les domaines techniques, scientifiques, culturels et politiques.

  5. Maronites

    Chrétiens qui se rattachent à Saint Maron situé au IVe-Ve siècles et considéré comme le fondateur et maître spirituel d'un groupe d'ermites établis dans la vallée de l'Oronte. Après sa mort (vers 410) les maronites vécurent dans l'entourage d'un monastère perpétuant son enseignement et son souvenir. Entre 702 et 742, les maronites prennent l'initiative d'élire leur propre patriarche au siège d'Antioche : Jean Maron. Ce moine est considéré comme le véritable fondateur de l'Eglise maronite. Les maronites condamnés par les Byzantins (chalcédoniens) et les Syriaques (monophysites), perdent la protection de Byzance dont les troupes massacrent, selon les traditions maronites, plusieurs centaines de leurs moines. Le patriarche Jean Maron entreprend alors de se réfugier au Mont-Liban. Au XIe siècle, la majorité des maronites est installée dans les vallées montagneuses du nord. A partir du XIIe siècle, l'Église maronite se trouve en pleine communion avec Rome : son patriarche assiste au IVe concile de Latran, en 1215. Ce lien est renforcé par la création, au XVIe siècle, du collège maronite de Rome. A l'époque contemporaine, la communauté maronite agit en faveur de la création de l'Etat du Liban et y exerce un rôle majeur bien qu'affaibli après 1989. Elle bénéficie du soutien d'une forte diaspora.

  6. Sidney Smith

    Sidney Smith (1764-1840) combat presque toute sa carrière contre la marine française et empêche Bonaparte de prendre Acre. Il agit également en diplomate, par l'intermédiaire de son frère désigné ambassadeur d'Angleterre à Constantinople, pour prévenir tout rapprochement entre la France et l'Empire ottoman. Il soutient Béchir II et contribue à lui restituer le pouvoir après son exil en Egypte. Il se retire à Paris et y meurt.

  7. Soliman pacha

    Soliman pacha (1810-1818) succède à Jazzar Pacha comme vali de Sidon, se rallie à Béchir II et tente avec lui de contrôler le vilayet de Damas. Les chroniques de l'époque soulignent son attachement à la justice.

  8. Wahhabite

    Le wahhabisme est un mouvement politico-religieux soutenu par Muhammad Ibn Abd al-Wahhâb (1703-1792). Né dans le Nejd, Abd al-Wahhâb voyage en Iran, en Mésopotamie et se fixe en Arabie où il prêche et compose un livre intitulé « Traité de l'Unité divine » Kitâb al-Tawhid. Son activité heurte la population chiite. En 1747, il conclut avec Muhammad Ibn Saoud, chef de tribu, un pacte selon lequel l'émir et le savant s'engagent à faire régner la « parole de Dieu », c'est-à-dire l'application intégrale des dispositions de la loi (charia). Le wahhabisme vise à construire un Etat fondé sur un islam primitif épuré de tout ce qui a été pensé et vécu par la suite. L'émir Abdul Aziz Seoud entreprend de réaliser cet Etat. Il lance des attaques dans l'Empire ottoman en 1799, occupe Karbala en 1802, La Mecque et Médine en 1803, et menace Damas en 1811. Le sultan confie alors à Mehmet Ali la charge de combattre le wahhabisme. La campagne de Mehmet Ali en Arabie dure 7 ans et permet à Ibrahim pacha d'occuper Dariya le centre du wahhabisme sans pour autant éradiquer ce courant.

  9. Grecs Melkites

    L'Eglise grecque melkite se détache du patriarcat grec orthodoxe et se rallie à Rome dans le cadre d'un mouvement d' « uniatisme » favorisé par les missionnaires catholiques au début du XVIIe siècle. Le premier patriarche grec melkite, Cyrille de Damas, est élu en 1724 et obtient le pallium en signe de communion avec l'Église catholique en 1744. Les premiers fidèles appartiennent à des familles riches et cultivées et s'installent au Mont-Liban à l'abri des persécutions suscitées par la hiérarchie orthodoxe. Les émirs Chehab facilitent leur installation et le patriarche Mazloum réussit à obtenir le statut de millet pour sa communauté. Cette reconnaissance permet aux fidèles de se développer dans les pays du Proche-Orient où ils comptent, au début du XXIe siècle, 450.000 membres et autant dans la diaspora. La liturgie est célébrée selon le rite byzantin en langues arabe et grec. Le primat de l'Eglise a son siège à Damas, mais réside au Liban et porte le titre de patriarche d'Antioche et de tout l'Orient des melkites, de Jérusalem et d'Alexandrie. Sa juridiction s'étend à tous les fidèles organisés en paroisses et diocèses. Démographiquement, les grecs melkites forment, dans le Liban contemporain, la troisième communauté chrétienne et sont engagés à tous les échelons du pouvoir.

  10. Béchir Joumblatt

    Béchir Joumblatt (1775-1825) est l'un des chefs druzes les plus puissants et les plus riches de son temps. L'émir Béchir II l'associe aux rouages de l'administration du Mont-Liban jusqu'en 1823. A partir de cette date, le cheikh choisit un autre camp. L'adversité mène à un conflit armé dont sort vainqueur l'émir. En fuite au Hauran, le cheikh est capturé par le pacha de Damas qui le livre à son homologue Abdallah pacha d'Acre. Celui-ci le fait étrangler sur demande de Mehmet Ali le 11 juin 1825.

  11. Gerges Baz (1768-1807)

    Doté d'une forte personnalité, Gerges Baz parvient à nouer de bonnes relations avec les potentats ottomans locaux, y compris avec Jazzar pacha. Lorsque celui-ci tue l'émir Youssef, Gerges Baz devient le tuteur et le conseiller de ses fils. Après une lutte amère au pouvoir, Baz s'entend avec son rival Béchir II pour se partager le gouvernement du Mont-Liban. Ainsi l'émir règne au Chouf et les fils de l'émir Youssef à Byblos. Baz se réserve la fonction de premier conseiller de l'émir. L'accord déplait à Jazzar et à d'autres rivaux jaloux qui complotent et organisent son assassinat avec son frère Abd al-Ahad en 1807. Les fils de l'émir Youssef endurent des sévices violents : leurs yeux sont crevés, leur langue et leurs doigts sont coupés et ils sont assignés à résidence à Daroun, dans le Kesrouan.

  12. Abou Nakad

    Famille notable druze d'origine arabe de la tribu Taghleb. Les Nakad auraient participé à la conquête du Maghreb et accompagné les Fatimides en Egypte et en Syrie du nord où ils embrassèrent la doctrine druze. Selon certaines sources, ils auraient aussi pris part aux luttes contre les Francs. Avec la dynastie Chéhab, ils deviennent seigneurs (moukataaji) de deux régions : al-Manasif, où se trouve Deir al-Qamar résidence de l'émir, et al-Chahhar. Ils constituent une force médiane qui peut faire pencher la balance du côté des Joumblatti comme des Yazbaki. Ils s'allient à l'émir Youssef dans son combat contre Jazzar Pacha. L'émir Béchir II les affaiblit en premier lieu dans son entreprise de centralisation dès 1797. Ils relèvent la tête après l'exil de l'émir et participent activement aux conflits druzo-maronites des années 1840 en vue de récupérer leurs privilèges.

  13. Dhimmi

    Les dhimmi-s désignent, dans la tradition musulmane, les « gens du livre » c'est-à-dire essentiellement les chrétiens et les juifs, qui ont reçu, dans le cadre des structures étatiques dirigées par une autorité musulmane, un statut de reconnaissance et de protection en échange d'une position juridique inférieure à celle des musulmans et une position financière caractérisée par le paiement d'un double impôt : l'impôt de capitation (jizya) et l'impôt foncier (kharâj).

  14. Abdallah Carali

    Abdallah Carali (1672-1742) est né dans une famille aisée à Alep, ville prospère à l'époque. Il étudie la philosophie auprès de Pierre Toulawi et le droit auprès des jurisconsultes musulmans renommés. Il fonde, avec trois autres compagnons alepins, l'Ordre libanais maronite en 1695. Il en rédige la première règle et un ouvrage de spiritualité appelé La lampe monastique, où il réunit l'expérience et les apophtegmes des grands maîtres spirituels de l'Orient et de l'Occident. Il rédige deux ouvrages de droit adoptés par les maronites comme un code qui les rapproche des musulmans avec qui ils ont à traiter.

  15. Nicolas al-Turk

    Nicolas al-Turk (1763-1828) a un père originaire de Constantinople installé à Deir al-Qamar. Nicolas entre au service de Béchir II, accomplit plusieurs missions en Égypte, notamment lors de la campagne de Bonaparte. Il laisse deux livres d'histoire dont le premier concerne Bonaparte. Desgranges en traduit la moitié en français, l'autre moitié demeure inédite. L'histoire de Jazzar Pacha n'a, quant à elle, jamais été éditée. Il laisse aussi un recueil de poésie, édité un siècle et demi plus tard. Ce recueil répercute quelques moments de la vie de la Cour et des missions importantes assumées par le poète-conseiller et ambassadeur.

  16. Butrus Karamé

    Butrus Karamé (1774-1851) est issu d'une famille notable d'Emèse, convertie au catholicisme, ayant émigré au Mont-Liban pour échapper aux poursuites des grecs orthodoxes. Butrus Karamé établit des liens avec Nicolas al-Turk qui le rapproche de Béchir II en 1813. Il devient son vizir écouté et s'exile avec lui. Il meurt à Constantinople en 1851. Il laisse un recueil de poèmes.

  17. Elias Eddé

    Élias (1741-1828) est né à Eddé dans la province de Byblos. Ce poète sert respectivement les émirs Chéhab Youssef et Béchir II, mais aussi Jazzar pacha qu'il abandonne à cause de sa cruauté. Il laisse un recueil de poésie dont certains morceaux sont édités.

  18. Haidar Chéhab

    Haidar Chéhab (1761-1835) laisse une chronique historique en 3 volumes, allant de 622 jusqu'en 1827. Le dernier volume est consacré à sa dynastie. Cette chronique importante est une œuvre collective à laquelle Haidar donne la forme définitive. Instruit et informé des réalités politiques européennes, notamment de la révolution française, Haidar ne s'intéresse cependant guère à la politique.

  19. Hawali-s

    Agents de l'émir chargés de l'impôt pour la Porte.

  20. ‘Ammiyya

    Ce terme qualifie les mouvements ruraux que connaît le Mont-Liban au XIXe siècle. Le rassemblement des paysans se traduit par des revendications sociales codifiées dans des manifestes prônant la défense de l'intérêt public, si besoin par la force. Ces soulèvements se répètent en 1820-1821, 1840 et 1858-1859.

  21. Abdallah Pacha

    Abdallah pacha d'Acre puis de Sidon (1819-1832) mène une politique fiscale sévère à l'égard du Mont-Liban, il augmente continuellement les impôts et suscite des divisions entre les notables. Il adopte une attitude discriminatoire à l'égard des chrétiens. Capturé par Ibrahim pacha après la chute d'Acre en 1832 et envoyé en Egypte, il est reçu par Mehmet Ali avec tous les honneurs avant de partir à Constantinople.

  22. Wakil

    Délégué d'une autorité, d'une assemblée ou d'une collectivité (généralement un village).

  23. Mehmet Ali

    Mehmet Ali (1769-1849), d'origine albanaise, fonde une dynastie de khédives qui gouvernent l'Egypte entre 1805 et 1952. Après avoir écrasé les Mamelouks, il tente d'introduire des réformes dans tous les secteurs. Il coopère avec le sultan ottoman dans ses luttes contre les wahhabites et les indépendantistes grecs. Il domine la Palestine et la Syrie entre 1832-1840 croyant pouvoir compenser ses pertes en Grèce et ériger un royaume arabe. Cette entreprise lui attire l'hostilité ouverte du sultan. Celui-ci profite de l'insurrection de 1840 et de l'appui des puissances européennes signataires du traité de Londres le 15 juillet 1840 pour le chasser des domaines conquis, en lui accordant toutefois un titre héréditaire sur l'Egypte.

  24. `Imad

    Famille de notables druzes installée au Mont-Liban. Ses membres participent à la bataille d'Ain Dara en 1711 aux côtés des Chehab. Le cheikh Abd al-Salam Imad (mort en 1788) préside le parti yazbaki opposé aux Joumblatt. Le cheikh Khattar collabore avec Omar pacha et dirige l'offensive contre Zahlé en 1860.

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AccueilAccueilImprimerImprimer Karam Rizk, Professeur d'Histoire à l'Université du Saint-Esprit de Kaslik (Liban). Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de ModificationRéalisé avec Scenari (nouvelle fenêtre)